« A supposer qu’il y ait un sens à vouloir expliquer pourquoi ce fut justement moi, parmi des milliers d’autres êtres équivalents, qui pus résister à l’épreuve, je crois que c’est justement à Lorenzo que je dois d’être encore vivant aujourd’hui, non pas tant pour son aide matérielle que pour m’avoir constamment rappelé, par sa présence, par sa façon si simple et facile d’être bon, qu’il existait encore, en dehors du nôtre, un monde juste, des choses et des êtres encore purs et intègres que ni la corruption ni la barbarie n’avaient contaminés, qui étaient demeurés étrangers à la haine et à la peur; quelque chose d’indéfinissable, comme une lointaine possibilité de bonté, pour laquelle il valait la peine de se conserver vivant. (…) Lorenzo était un homme : son humanité était pure et intacte, il n’appartenait pas à ce monde de négation. C’est à Lorenzo que je dois de n’avoir pas oublié que moi aussi j’étais un homme. »
Primo Levi.
,Jean-Michel Longneaux, évoquant la gratitude lors d'une récente
journée consacrée à l'éthique dans les soins, rapproche le double
récit des chandeliers volés-donnés à Jean Valjean dans Les
Misérables et l'amitié entre Primo Levi et Lorenzo à Auschwitz.
"Nous avons tous un chandelier à donner. En voici deux exemples
particulièrement significatifs. Primo Levi, dans son célèbre
ouvrage, Si c’est un homme, témoigne de sa gratitude à l’égard
d’un certain Lorenzo. Juifs, ils sont tous deux déportés, en
1943, dans un camp de concentration. Ils sont dépossédés de
tout, jusqu’à leur nom. Et pourtant, Lorenzo a encore des
chandeliers. Pourquoi Primo Levi a-t-il été touché par Lorenzo,
pourquoi ces qualités dont il parle l’ont aidé à vivre ? Primo
Levi ne s’est pas conditionné pour accueillir dans cet enfer des
camps le peu d’humanité qui y restait. Il n’a pratiqué aucune
psychologie positive. Mais Lorenzo a donné ses chandeliers.
Primo Levi y a trouvé la force de survivre. Lorenzo est mort
dans le camp. Primo Levi lui sera à tout jamais reconnaissant."Lu dans:
Primo Levi, Si c’est un homme, Paris, Julliard, Pocket, n° 3117, 1987, p. 190
Jean-Michel Longneaux. Misère et grandeur de la gratitude. 11ème Printemps de l’éthique : entre dette et reconnaissance, quelle place pour la gratitude? (27 avril 2017).
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