01 février 2016

J'habite un trou à rats

 «Vous ne pouvez pas payer beaucoup? Pas grave, à la place vous paierez longtemps."
             Bruno Gacchio

Les agences bancaires se sont humanisées, on est reçus dans de coquets salons séparés par des paravents qui ne coupent que la vue. J'étais venu pour un placement, ma voisine et son gosse pour un conseil. Elle a la trentaine miséreuse, caissière temporaire au Carrefour de la rue Wayez. On lui a dit que "louer c'est à fonds perdus, mieux vaut acheter car ainsi chaque mois on transforme son argent en briques". Le conseiller est bienveillant, demande une fiche de paie, s'enquiert d'un parent désintéressé servant de caution, suggère une somme de départ d'emprunt par exemple 10.000 euros mais ça peut être davantage. Las, les rentrées mensuelles dépassent à peine le salaire minimum garanti, elle n'a pas de famille, elle n'a que 1.000 euros sur son compte et encore c'est un miracle. Cinq minutes chrono pour ouvrir et clôturer un beau rêve financier sans assise pour une cliente ni plus paresseuse, ni plus laide, ni moins intelligente que les autres, mais moins bien née. J'habite une commune modeste, de celles dont un possible futur président des Etats-Unis dit qu'elles sont des "trous à rats". Je préfère ces rats à n'importe qui au monde. 



 
Lu dans:
Bruno Gaccio. Mais non madame Martin c'est pas compliqué l'économie. Ed Les Liens qui libèrent. 2015. 192 pages. Extrait: p.45

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