20 mai 2012

L'un c'est l'autre


"Il n'est pas nécessaire d'avoir une raison pour avoir peur."
E. Ajar

La peur, aussi imprévisible qu'une migraine, nous rend égaux: qui de nous ne l'a connue, sournoise, implacable, responsable de cent conduites d'évitement aussi pathétiques les unes que les autres.

Anecdote amusante, la citation d'Emile Ajar dans l'inoubliable roman "La vie devant soi" mit une jeune journaliste sur la piste d'une supercherie restée célèbre, quand elle cite à Romain Gary une phrase similaire dans un de ses précédents ouvrages "La Tête coupable": "... et depuis quand un homme a-t-il besoin d'une raison pour avoir peur?" Cas unique dans l’histoire du prix Goncourt, Romain Gary le reçut deux fois, la première sous son nom de plume habituel et la seconde, en 1975, sous l’identité d’emprunt d’Émile Ajar. Lassé de se sentir considéré comme un écrivain du passé ("Au-delà de cette limite votre ticket n'est plus valable" - écrit en 1975), Romain Gary avait créé de toutes pièces le personnage d'Émile Ajar sans jamais en révéler de son vivant l'identité réelle. C'est juste avant son suicide en 1980 qu'il rédige "Vie et mort d'Emile Ajar", où il révèle toute la supercherie, concluant «Je me suis bien amusé. Au revoir et merci.» Quelques semaines auparavant, ironie cruelle, lors d'une émission littéraire en vue, la critique du magazine Lire, après avoir rageusement démoli l'oeuvre de Gary s'était exclamée "Ah Ajar, c'est quand même autre chose." 


Lu dans:
Romain Gary. Vie et mort d'Emile Ajar.  NRF. Gallimard. 1981. 43 pages

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