"N'étant plus personne, j'étais enfin quelqu'un."
Yannick Haenel
Ceux qui fréquentent la sortie Drogenbos du Ring de Bruxelles l'identifieront sans peine: pauvre hère barbu au sourire édenté, les cheveux en pétard, faisant la quête entre les voitures. Je le vois depuis des mois mais ne saurais le reconnaître s'il changeait de carrefour: la misère possède un seul et même visage. La semaine passée, attendant que le feu passe au vert, mon attention fut attirée par un petit abri de fortune dissimulé sur un versant du talus à ma gauche: une bâche sans couleur, deux cordes, deux piquets. Une forme allongée s'y devine, un vieux vélo à ses pieds. L'inconnu du pont de Ruysbroek soudain s'identifiait, et laissait deviner ce que pouvait être son existence. Pas de réseau mafieux mais un sans-abri passant sa vie dans un triangle de dix mètres sur dix, réveillé par les bruits de voitures et nourri par l'aumône. On tente d'imaginer ce que fut sa vie antérieure, redoutant découvrir qu'elle ressemblait peut-être à la nôtre et l'enchaînement des circonstances malchanceuses qui peuvent amener un être humain à vivre dans une tanière.
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