13 mars 2011

De la survie et de la perte

"Tous ceux qui survenaient et n’étaient pas moi-même
Amenaient un à un les morceaux de moi-même."
Guillaume Apollinaire. Alcools.
Perte de netbook n'est pas mortelle. L'achat d'un modèle comparable et la magie des sauvegardes me fait retrouver une semaine plus tard, inchangé, au domicile de mes patients l'environnement familier de leur fiche médicale. Tout est identique, néanmoins rien ne subsiste de l'ancien support: le gris métallisé a remplacé le noir, le clavier s'est élargi, l'écran a gagné en luminosité, tout est plus rapide d'accès. De l'immortel a transité par du mortel, comme nous le ferons.

A contrario, me revient le souvenir d'un ancien programme du même type, m'insatisfaisant, et que je détruisis en moins de quinze secondes, utilisant de longues années encore l'ordinateur qui le supportait et qui dort maintenant à la cave. Du mortel a transité par de l'immortel, comme une sonate de violon transite par un Stradivarius ou nos rêves fugaces qui s'estompent. Immatériel et matériel forment un couple étrange, que serait la pensée sans notre cerveau?

Nous mourrons et, bonne nouvelle, nous survivrons. On observe tous avec amusement nos gènes transmis, nos attitudes reproduites par l'un et l'autre, les éblouissements partagés et assimilés durablement par nos descendants et amis. Tous candidats à la perte de nous-mêmes un jour inattendu, comme mon netbook à la station Aumale, tous immortels pourtant, mais fragmentés sans recomposition possible car la vie nous survit en nous dilatant. Et je m'amuse soudain du sinuement de pensées que peut susciter dans une journée banale la perte d'un objet familier.

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