"On n'interdit plus, on empêche."
Jean-Pierre Lebrun
Qu'il s'agisse de plots ancrés dans les trottoirs de nos placettes pour nous empêcher de stationner sur les trottoirs - nous forçant à nous extraire de notre véhicule au prix de contorsions grotesques - , de barrières automatiques, de fosses caillouteuses et cloutées balisant les rails de tram en passage protégé, de badges d'accès et bientôt d'éthylomètres intégrés au démarrage des véhicules , l'obligation morale de respecter des consignes semble définitivement remplacée par un faisceau de contraintes physiques subtiles nous ôtant jusqu'à la possibilité de braver l'interdit. L'organisation de l'espace public n'est d'ailleurs pas seule à se voir ainsi profondément modifiée: du refus de certains caractères lors du remplissage de formulaires informatisés à l'avalage des cartes de banque en cas d'erreur, en passant par l'itinéraire obligé serpentant dans un espace Ikéa, nous voilà désormais pris par la main - à la fois guidé et empêché - tout au long de notre activité quotidienne , pour notre plus grande sécurité apparente et celle d'autrui. L'organisation de la vie en commun y gagne peut-être, la responsabilisation de l'homme-citoyen s'en voit réduite.
Le choix de transgresser et la construction mentale de l'interdit demeuraient depuis Adam (et la pomme) le fondement de notre humanité. Cette subtile modification qui envahit nos existences, pour séduisante qu'elle soit puisqu'elle supprime jusqu'à l'idée de punition pour une faute qu'on ne peut plus commettre, constitue plus que toute autre un recul dont nous ne mesurons pas la portée.
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