"Reconnaissez la diversité,
et vous atteindrez l'unité."
       Rabidranath Tagore.
Je ne sais pour vous, mais il y a dans l'air comme une envie de prendre  un peu de hauteur, "au-delà de l'arc-en-ciel, où les rêves que tu oses  deviennent réalité" comme le chantaient Arlen et Harburg... en 1938. De  clamer que c'est "parce qu'on est petits que nous sommes grands", la  faune des coincés dans le métro, des bouchons du carrefour Léonard, des  poussés aux soldes, à la Saint Valentin, aux souks aéroportés vers le  soleil au Carnaval ou à Pâques, des bouffeurs de chips du dimanche midi  s'extasiant devant le Clan des Sept à Mise au Point ou à Controverse  (les mêmes, en direct, à la même heure, comment font-ils donc?). On  peut ironiser sur Arno et les artistes d'un soir au KVS, mais eux au  moins ils nous font rêver, alors que les manchettes du Soir depuis neuf  mois ...  Marguerite Yourcenar devrait-elle à sa belgitude d'avoir écrit  que "les subcultures ont du bon à une époque où la culture s'ossifie ou  périclite, et où le mot « marginal » s'emploie péjorativement comme si  nous étions tous d'accord sur la valeur du texte en pleine page"?   
 Savez-vous ce qui me ferait saliver vraiment demain matin? Recevoir mon  journal sous la format de la feuille de choux "Le Pochard" louvaniste  qui nous informait avec impertinence des grands compromis et des petits  secrets qu'on ne peut divulguer, avec un humour et une créativité  réjouissants.  De me lever demain au son de Radio Caroline, la  mythique  radio pirate ancrée dans les années 60 au large d'Ostende, interviewant  sans effet de col son bourgmestre (Johan Vande Lanotte) racontant -  comme nous le ferions à table - ce qui s'est vraiment dit pendant  les trois mois de sa mission royale. De voir Basta sur YouTube bloquer  l'entrée du Palais royal un matin à l'aube avec  un wagon de chemin de  fer pour signer l'armistice, d'entendre Stromae entonner avec Jamel  "Alors on danse" en flamand et en français à la réception des corps  constitués - quand elle aura lieu dans un mois ou dans un an. De me voir  convoqué mercredi par le Roi pour expliquer comment un obscur médecin  généraliste aborde un problème sans solution, situation dans laquelle  hélas on excelle. 
 Je sais, je mélange tout, mais j'écris dans le désordre, comme je reçois  les infos le soir en picorant mes raviolis devant le 20 heures. C'est  parce "qu'on est petits que nous sommes grands" clament dans les rues  des dizaines de milliers de Tunisiens, d'Egyptiens, de Yéménites, de  Marocains, et demain de Chinois ou de Coréens du Nord. Vous ne me  croirez pas: mais soudain je les comprends. Marre de ne compter pour  rien, de n'être qu'un Audimat: soudain, chacun de ces cul-terreux de  Tunis ou du Caire EXISTE. Evidemment, ici comme ailleurs, on ne sait  trop où on va, mais on y va. Et y aller possède déjà un petit goût  d'aventure, de cette aventure qui nous manque tant et qu'en d'autres  temps on appelait l'espérance.  
   PS Merci pour le hasard qui fit se croiser ce weekend les mails de Jan,  de Dominique, de Guy, de Benoît, de Paul et Astrid, de Luc et Nanou, de  Paulette, de Bérengère, de Christiane et Bruno, la sublime musique de  Bénédicte et d'Andrew et la superbe célébration de mariage de Cathérine  et Axel qui ont ensemble sans le savoir inspiré ce billet. 
     Lu dans:
Zhu Xiao-Mei. La Rivière et son secret. Robert Laffont. 2007. 335 pages. Extrait page 282
Marguerite Yourcenar. Bleue, blanche, rose, gaie. Le Tour de la prison. Gallimard. 1991
H Arlen. EY Harburg. Somewhere over the Rainbow. Le Magicien d'Oz. 1938