"... au seuil de l'âge adulte, quand tout est possible et rien n'est faisable."
T. Sotinel
Adolescence. Une page blanche, où se déclineraient les multiples vies que l'on rêve possibles, et dont il est parfois si pénible d'écrire la première ligne. On l'oublie vite, mais il y avait toujours un bouton d'acné, un kilo de trop, - ou trop peu, - une angoisse de différence, une ignorance de ce qui se passait quand cela pourrait se passer, un lapsus stupide ou un faux pas ridicule, un pantalon trop large, ou trop court, ou trop vieux, un espoir déçu, une attente sans coup de téléphone, une flamme sans lendemain possible, un rêve de destin grandiose - devenir président des Etats-Unis par exemple, ou champion cycliste, ou acteur renommé - fracassé par une parole assassine du genre "elle est vraiment trop moche ta robe" ... L'adolescence me reste sur le coeur, pas vous?, âge fragile où je sortais comme enfoui sous un niqab ou une burqa, scrutant les visages sans vraiment offrir le mien. On met du temps à quitter le voile intégral, à se laisser voir, à se faire entendre, à prendre simplement quelqu'un par le bras pour l'aider à traverser une rue de l'existence. Curieux sentiment, mais je préfère le maintenant.
Allez, je vous souhaite une bonne fête de l'Ascension, ce récit énigmatique de la présence dans l'absence. Sont oubliées depuis longtemps l'imagerie saint-sulpicienne, les nuées et le départ vers les cieux, mais comment tuer l'humaine espérance que ceux qui nous ont aimés ne meurent jamais tout-à-fait? Faute d'être vrais, il est des mirages que l'on aime entretenir car ils enjolivent si bien la journée qu'on a quelque peine à s'en réveiller.
CV.
Lu dans :
Thomas Sotinel. De grands garçons blonds dans la lumière de journées interminables. Le Monde 12 mai 2010 (à propos du premier long-métrage du Suédois Jesper Ganslandt ADIEU FALKENBERG).
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