09 mai 2010

La fusion n'est pas amoureuse

"Vous demandez comment le sentiment d'aimer pourrait survenir. Elle vous répond : peut-être d'une faille soudaine dans la logique de l'univers."
M. Duras
Me revient soudain le souvenir ému de Gabrielle et Roger. Elle était bossue, il était borgne. Jamais couple aussi désappareillé ne fut pourtant mieux assorti. Vingt ans les séparait, elle était son aînée. Une vie commune sans passion ni romantisme, tissée de gestes affectueux qui permettent d'oublier qu'on est né sous le signe de pas de chance. Partager la même table aidait Roger à ne pas boire et augmentait l'appétit de sa compagne. Il est mort six mois avant elle, pas logique du tout quand on est le cadet. Elle ne lui survécut guère et j'eus le pénible privilège de la découvrir un matin, raide déjà, au pied de son lit. Depuis, j'ai révisé l'image "salon du mariage" de ce que devrait être le couple idéal.

Lu dans :
La maladie de la mort. Marguerite Duras. 1983. 64 pages

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