"Peindre la vie avec le pinceau des mots."Jean Loup Chiflet
La réflexion de Nancy Huston dont je termine le livre "L'espèce fabulatrice" me poursuit en écoutant le grammairien Jean Loup Chiflet sur France Inter dans la voiture ce matin. Peindre avec des mots, comme d'autres décrivent la réalité avec des couleurs, des reliefs ou des sons, donne de la chair aux concepts, aux sentiments, aux événements d'une existence: l'histoire telle qu'on la raconte devient la réalité, notre réalité.
Le Ring est chargé ce weekend, malgré l'heure matinale, et je révise mentalement le contenu de l'atelier que je dois modérer sur le thème "Le CARE dans le monde des soins de santé: un lieu privilégié pour le développement de la liberté ontologique et de la responsabilisation capacitante." L'orateur invité est prolixe, séduisant, érudit possédant une triple formation d'économiste, d'expert en santé publique et de philosophe. Mots, phrases et concepts se bousculent avec brio, fleurs de feu d'artifice qu'il me revient de rassembler en final en termes simples et sur lesquels les participants sont appelés à réagir ("un autre monde existe..." voir Eluard cité hier soir).
Je rentre chez moi au terme de l'exercice et découvre un appel angoissé au répondeur, auquel je donne suite. Un patient y évoque son horizon bouché, sa fatigue d'être, une chute, une solitude. Les mots ici sont pauvres, entrecoupés de longs silences, de quelques pleurs. Mots, maux. Je bénis cette confrontation brutale entre une théorie académique séduisante et une réalité en quête de réponses simples avec des mots de tous les jours, nous contraignant quotidiennement à ne pas tant chercher des explications, mais plutôt des issues.
Jean Loup Chiflet. France Inter 29 mai 2010. Neuf mots et expressions à foutre à la poubelle. Points 2010.
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