03 février 2010

La violence des berges

"On dit d'un fleuve emportant tout qu'il est violent, mais on ne dit jamais rien de la violence des rives qui l'enserrent."
Bertolt Brecht

La presse m'apprend ce matin que j'habite en bordure d'une zone de non-droit, truffée d'armes de guerre et de trafics sordides. On ne doit pas avoir de la violence ni du droit la même conception, moi qui reste viscéralement attaché à cette zone urbaine où le matin il fait bon voir s'éveiller les quartiers. Où les paumés s'ébrouent en rue sans honte et où on peut encore se promener librement partout, sans buter sur les grilles de lotissements protégés par des portails électroniques abritant la tranquilllité des plus riches. Où trois continents se côtoient dans une ambiance débonnaire le weekend sur plusieurs kilomètres carrés de marché offrant à la vente tout ce que la terre peut produire de fruits, de vins, d'épices et de mets colorés. Les rares policiers qu'on y croise canalisent les voitures mal garées comme le ferait l'agent 33 de Quick et Flupke et je m'y sens infiniment plus en sécurité qu'au coeur du quartier européen, devant le Charlemagne, où on me vola ma trousse en fracturant le carreau arrière de ma voiture l'an passé. Plutôt que de stigmatiser certains quartiers en les désignant comme des repaires de lépreux, ne faut-il s'interroger sur la violence créée par la hausse des loyers et du prix des maisons qui chasse nos enfants et leur impose des navettes éreintantes, ou concentre l'extrême pauvreté dans quelques ghettos pourris pour mieux les contenir. 

Dorénavant donc, tolérance zéro pour Curegem/Anderlecht. Pourquoi la règle qui est applicable à un homme ne le serait-elle pas également à tous les autres, se demandait Alexis de Tocqueville? Les petits délits bien profitables sont-ils donc à ce point concentrés dans la zone entre le canal et la gare du Midi, alors que le reste du pays respire l'honnêteté et le goût du bien. Dès demain je me promène en rue agitant la clochette de la lèpre. 

Aucun commentaire: