28 novembre 2018

Comme une envie d'inactualité


"Vouloir vivre de son temps
c'est déjà être dépassé."
        Eugène Ionesco

Qui n'a ressenti quelquefois une étrange satiété, une réaction contre la tyrannie de l'actualité à laquelle nous nous soumettons davantage par addiction que par réflexion. Contester l'importance des événements qui se précipitent, et les mettre en perspective. Délaisser l'allégresse de l'initié, qui sait ce qui se passe au moment précis où cela se passe: une action terroriste au Yémen, une voiture à contre-sens sur l'autoroute de Charleroi, un communiqué de presse ministériel réagissant à une saillie d'un contradicteur. Le bruit du monde emprisonne et suscite parfois l'impatient besoin d'une halte. Et si on tentait de greffer un peu d'inactuel sur l'actuel afin de briser cet enfermement asphyxiant, redécouvrant le plaisir du livre oublié, de l'habit passé de mode, du vélo oublié dans sa cave, d'une vieille amitié. Comme l'écrivait en 1998 (au siècle passé, 20 ans déjà, quelle inactualité !) Pierre Hebey "L' Actuel dévore de plus en plus vite les événements et les gens dont il se nourrit. Il avale, il ne mastique même plus. C'est un monstre à l'insatiable appétit qu'on nous enseigne à vénérer comme une divinité à laquelle nul ne saurait se soustraire."


Lu dans :
Pierre Hebey. Le goût de l'inactuel. NRF. Gallimard. 1998. 222 pages. Extrait p.12  

Aucun commentaire: