20 septembre 2018

Peur du jour, peur de tout

"Ils ne nous laissent pas chanter nos chansons
ils ont peur
peur du jour qui naît
peur d’aimer
peur de l’eau qui coule
peur de l’espoir. "
            Nâzim Hikmet

"Je suis au bout de ma vie". Je ne connaissais pas l'expression, ni son usage. Elle ferait fureur dans nos athénées et collèges, signe de ralliement le matin dans les cours de récréation entre élèves entamant la journée. Elle désigne à la fois un épuisement, l'absence d'envie, la lassitude des jours sans rien, le dégoût des cours et de leur cadre, une navigation morne sur une eau sans vagues, sans tirant, sans horizon. En ce début d'automne, ce serait comme déjà l'hiver, déroulant son long manteau givré dans une absence de limite entre la neige et le ciel pâle. 
Il y a sans doute un effet de posture dans cette affirmation désabusée, entendue déjà à d'autres époques. Mais tout de même... La France s'ennuie, écrivait Pierre Vianson-Ponté dans Le Monde deux semaines avant le début de Mai 68. Certaines phrases sont prémonitoires, et d'entendre la plus charmante de mes jeunes patientes déclarer "qu'elle est au bout de sa vie" m'inspire autant d'incrédulité que d'espérance. Toute jeune, les fées se sont penchées sur son berceau, et elle le leur a bien rendu. Elle ne croit plus aux fées, mais on ne perd rien pour attendre. Au bout du bout, il devrait y avoir autre chose. 
 

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