"Ce n'est pas seulement pour duper nos enfants que nous les entretenons dans la croyance au Père Noël : leur ferveur nous réchauffe, nous aide à nous tromper nous-mêmes et à croire, puisqu'ils y croient, qu'un monde de générosité sans contrepartie n'est pas absolument incompatible avec la réalité."
Claude Lévi-Strauss
La fièvre monte, plus que trois jours et peut-être même ce weekend
quand, comme chez nos parents, on l'avançait pour qu'elle n'empiète pas
sur nos devoirs d'étude en examen. Seules périodes de l'année où les
parents jouent vraiment, à cache cache jetant nics-nacs et bonbons en
des moments insolites, à se déguiser en Saint Nicolas et Père Fouettard
pour les plus futés, à imaginer le savant désordre que font des jouets
jetés du ciel, à mimer ceux qui ne savent rien encore dans l'escalier et
découvrent Byzance au salon. Courts moments où enfants et parents sont
en parfaite égalité, qu'ils soient dupes ou non, on joue tous le jeu
craignant qu'il cesse un jour. Infiniment drôle, je connais un enfant,
peut-être le plus malin de la bande, qui n'a jamais évoqué la réalité du
grand saint, prolongeant - ou feignant prolonger - d'année en année la
croyance, la fête, les cadeaux, l'émerveillement partagé avec ses
parents, pas plus dupes que lui-même. Bien avant d'autres, il a compris
que sortir volontairement d'un conte éveillé est une infinie sottise,
vous privant de beaux avantages. On se garde de l'en dissuader, espérant
qu'il gagne en influence et parvienne de la même manière dans bien des
années à inspirer des projets, des rêves et des horizons susceptibles de
rendre ses administrés ou ses collègues heureux. Il n'est guère de
grands voyages sans avoir d'abord rêvé au grand vent et aux voiles,
laissons-les rêver.
Lu dans:
Claude Lévi-Strauss. Tristes Tropiques. Plon. 1993. 500 pages.
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