12 septembre 2023

Chaud

 

"Aujourd'hui je n'ai rien fait.
Mais beaucoup de choses se sont faites en moi.
Des oiseaux qui n'existent pas
ont trouvé leur nid.
Des ombres qui peut-être existent
ont rencontré leur corps.
Des paroles qui existent
ont recouvré leur silence.
Ne rien faire
sauve parfois l'équilibre du monde,
en obtenant que quelque chose aussi
pèse sur le plateau vide de la balance.
                        Roberto Juarroz (1925-1995)



Eh oui, aujourd’hui je n'ai rien fait. La chaleur nous a engloutis. J'avais préparé le vélo pour une longue sortie dont je me réjouissais, la prudence m'en a fait abandonner l'idée. Même la lecture emportée m'a assoupi. Le rosé ne resta frais qu'une dizaine de minutes et je n'eus pas la volonté de préparer par la suite le petit café italien qui relance. Je mis mon espoir dans la mousse légendaire d'une Duvel Triple Hop, qui me parut éteinte, un de ces pétards mouillés en réanimation, qui parvint à enlever jusques désir d'une deuxième. Il y a des jours comme cela.

En un mot, j'étais dans la ouate, "apparemment elle est heureuse / C'est la plus heureuse / Des paresseuses / De toutes les matières / C'est la ouate que je préfère." Jusqu'à surgisse soudain dans cette ouate un fort lointain verset latin - du Virgile- parlant du berger Tityre, vautré sous la ramure d'un hêtre, jouant du pipeau pour la belle Amarylis devant ses amis ruinés rentrant de guerre. Mystère d'une antique leçon de latin remontant les siècles, et les vicissitudes des guerres, pour venir nous susurrer à l'oreille que parfois, ne rien faire peut être important. 

            Tityre, tu patulae recubans sub tegmine fagi,
            Silvestrem tenui musam meditaris avena ;
            Nos patriae fines et dulcia linquimus arva ;
            Nos patriam fugimus ; tu, Tityre, lentus in umbra,
            Formosam resonare dotes Amaryllida silvas.


Lu dans:
Virgile Bucoliques I . Bibliotheca Classica Selecta - FUSL - UCL (FLTR)

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