28 novembre 2022

Le dard de l'abeille

   "Le jour de l'enterrement de sa mère, C. a été piquée par une abeille. Il y avait beaucoup de monde dans la cour de la maison familiale. J'ai vu C. dans l'infini de ses quatre ans, être d'abord surprise par la douleur de la piqûre puis, juste avant de pleurer, chercher avidement des yeux, parmi tous ceux qui étaient là, celle qui la consolait depuis toujours, et arrêter brutalement cette recherche, ayant soudain tout compris de l'absence et de la mort. Cette scène, qui n'a duré que quelques secondes, est la plus poignante que j'aie jamais vue. Il y a une heure où, pour chacun de nous, la connaissance inconsolable entre dans notre âme et la déchire. C'est dans la lumière de cette heure-là, qu'elle soit déjà venue ou non, que nous devrions tous nous parler, nous aimer et même le plus possible rire ensemble."

         Christian Bobin. Ressusciter



Apprécié de tous, un collègue de longue date est célébré ce samedi matin au cours d'une belle cérémonie de funérailles. Son départ et le vide qu'il laisse me remettent en mémoire le beau texte de Christian Bobin, décédé cette semaine comme il a vécu, en s'excusant presque. Restent ses parole de consolation, et les centaines de bébés - dont les nôtres - que notre collègue a mis au monde. Leur passage sur terre nous a améliorés.


Lu dans :
Christian Bobin. Ressusciter. Gallimard. NRF. 2001.

Aucun commentaire: