"L'administration les appelle pudiquement " les morts isolés ". Ils ne sont pas SDF, pour la plupart. Ils avaient un toit, des habitudes. Mais nul parent ou proche ne s'est signalé après l'annonce de leur décès."
Le Monde. 4 février 2018
"Mardi 30 janvier, sous une pluie froide, deux personnes ont
accompagné, de l'Institut médico-légal de Paris au cimetière de Thiais,
Alain Poux (17 juin 1963-25 décembre 2017), Carmen Chavet (15 mai
1927-1er janvier 2018), Geneviève Bouley (1932-2017) et Serge Vildeuil
(1960-2017). Elles ont lu un petit texte devant la tombe de ces défunts
dont elles ignoraient jusque-là l'existence. Elles ont déposé une fleur
pour réchauffer la pierre. Puis elles se sont rendues dans un café, ont
consigné dans un classeur ce sobre cérémonial et publié un hommage sur
Facebook. Deux fois par semaine depuis 2004, cinquante bénévoles du
collectif Les Morts de la rue se relaient pour accorder à des inconnus
cette dernière courtoisie, cette ultime civilité : qu'ils ne partent pas
seuls, corps et âme. "
Il arrive que la vie se télescope avec nos lectures. Lundi, je découvre
ce court article du Monde au petit-déjeuner, avant d'entamer ma tournée.
Un vieux patient habitué m'attend vers dix heures, ma visite sera sans
doute la seule qu'il recevra de la semaine, mais ce matin il ne répond
pas. Je reviens une heure plus tard, puis lui téléphone, en vain,
m'inquiète. La suite se devine sans peine, la mort au pied du lit, la
recherche d'une famille qu'il n'a plus, le transport de la dépouille
vers la morgue du cimetière en attendant une inhumation anonyme. Étrange
monde tout de même où on peut disparaître sans une larme écrasée au coin
de l’œil, sans un avis mortuaire, sans une cérémonie d'adieu fut-elle
succincte. Un rond dans l'eau, qui s'efface dans la minute, et puis rien.
Lu dans:
Benoît Hopquin. Mort de quelqu'un. Le Monde. 4 février 2018, page 28.
Aucun commentaire:
Enregistrer un commentaire