"La colonne s'approche et ce qu'elle désigne en silence,
C'est l'endroit où la vie vaut d'être vécue.
Il y a des mots que nous apprendrons de leur bouche
Des joies que nous trouverons dans leurs yeux.
Regardez-les, ils ne nous prennent rien.
Lorsqu'ils ouvrent les mains, ce n'est pas pour supplier
C'est pour nous offrir le rêve d'Europe que nous avons oublié."
Laurent Gaudé, Regardez-les
Entre spam et pub, le courrier électronique a ses perles. Ce soir,
me revient grâce à lui ce rêve d'Europe qu'on pourrait oublier, et
ce beau texte de Laurent Gaudé dont je n'ai conservé que la chute.
Toute une vie, l'écrivain n'écrit qu'un seul texte: le sien. En
témoigne ces quelques extraits, assemblés avec une certaine liberté,
d'ouvrages plus anciens de Gaudé, dont les phrases auraient pu
initier son récent poème.
Il n'était plus personne. Il se sentait heureux. Comme il est doux
de n'être rien. Rien d'autre qu'un homme de plus, un pauvre homme de
plus sur la route de l'Eldorado. S'il faut mourir, alors autant
vivre un peu... il s’en est fallu de peu que je meure heureux.
Chaque génération essaie de construire quelque chose, de consolider
ce que l’on possède, ou l’agrandir, prendre soin des siens. Chacun
essaie de faire au mieux, il n’y a rien à faire d’autre que
d’essayer.
Rien ne viendra à bout de moi, le soleil peut bien tuer tous les
lézards des collines, je tiendrai. Il y a trop longtemps que
j’attends, je suis en route et j’irai jusqu’au bout. C’est ici
qu’était notre place, dans ce pays qui ne ressemblait à aucun autre
et plus rien ne nous faisait peur. Si on n’arrive pas à percer quand
on se lève tous comme ça, si on ne passe pas quand on est des
milliers à courir en gueulant, je me demande bien jusqu’où on
reculera. Lu dans:
Laurent Gaudé. Regardez-les, ces hommes et ces femmes qui marchent dans la nuit. 2015.
Extraits librement assemblés (que l'auteur me pardonne) de Laurent Gaudé: Cris (2001), Le Soleil des Scorta (2004), Eldorado (2006), Danser les ombres (2015)
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