18 septembre 2011

Une vérité trop bien construite

"L'entassement des preuves jette un doute sur ce qu'elles prouvent. (..) Quelle meilleure façon de tenir son rang, de jouer son rôle dans la comédie du "petit clan" que d'oublier , un instant, qu'on incarne un personnage? (..) Il faut se mentir à soi-même pour qu'un mensonge ne trahisse pas la vérité."
R. Enthoven


Dire la vérité, écrit Benjamin Constant, n'est un devoir qu'envers ceux qui ont droit à la vérité. Excité par les effets d'annonce, je me suis ainsi trouvé parmi les millions de badauds voyeurs à assister à la longue et laborieuse dramaturgie mise en scène par TF1 et Claire Chazal pour réhabiliter DSK. N'étant pas du cercle étroit de ceux et celles qui ont droit à la vérité - son épouse, ses enfants, quelques amis chers qui lui demeurent fidèles - on ne saurait lui reprocher cet exercice construit et tristounet, sa main droite agitant sans relâche comme un grigri le rapport du procureur Vance le disculpant. Observer de son fauteuil cet ex-grand du monde se réfugier ainsi derrière son juge, dire tout le bien qu'il pensait de sa femme, de son "amie" Aubry, de son immense respect pour les femmes et d'une vie entièrement consacrée au seul bien public était néanmoins un exercice salutaire: tout blanchi qu'il fût, sa parole ne compte plus. Une communication à ce point maîtrisée apparaît pire que le silence, qu'il aurait peut-être dû garder.

Lu dans:
Raphaël Enthoven. Le philosophe de service. NRF Gallimard. L'infini. 2011. 112 pages. Extrait p. 70

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