27 septembre 2011

L'improbable et le possible

"Car chaque individu est la preuve vivante qu'un évènement improbable peut se produire".
Max Dorra

Notre existence est un pied-de-nez à l'espérance statistique et une illustration de l'espoir humain, du refus de ne pas se laisser contaminer par le calcul des probabilités pour lequel « un évènement improbable ne se produit pas». Nous sommes tous un évènement improbable qui s'est produit.


Lu dans:
Max Dorra. Quelle petite phrase bouleversante au coeur d'un être? NRF Gallimard. 2005. 292 pages. Extrait p.151

25 septembre 2011

Simple, sauvage, silhouette avenante

"La persicaire, une plante toute simple, facile à vivre, un tantinet sauvage, fleurit jusqu'aux premières gelées. Elle a le bon ton de faner de manière attrayante et de garder une silhouette intéressante après la floraison."

Tout un programme pour les humains que nous sommes.


Lu dans:
Marie Pascale Vasseur, Marie Noëlle Cruysmans. La persicaire, une renouée qui a de l'avenir. La Libre. Momento 30 septembre 2011. p.9.

23 septembre 2011

Valises, popotins et parachutes

"Quand on voit ce qu'on voit, et qu'on entend ce qu'on entend, on a raison de penser ce qu'on pense!"
Coluche

Quand on appartient à une époque où une valise servait à abriter nos petites laines en vacances, où un président de la République rentrait après le boulot dans sa lointaine province auprès d'une épouse qu'on appelait tante Yvonne, et où un chef d'entreprise qui aurait gagné dix fois autant que ses ouvriers poussait le bouchon un peu loin, on ne peut que rêver en parcourant la presse. Des valises pleines de billets issus de pays plus pauvres que pauvres, un président du conseil dans la Ville éternelle qui commente avec des mots de soudard les vertus du postérieur de son homologue allemande, des émoluments de chef d'entreprise à peine imaginables au commun des mortels, au secours Coluche, reviens.


Lu dans:
Raphaël Enthoven. Le philosophe de service. NRF Gallimard. L'infini. 2011. 112 pages. Extrait p. 62

A Paris sur la terre

« Des milliers et des milliers d'années ne sauraient dire
La petite seconde d'éternité où tu m'as embrassé,
Où je t'ai embrassée, le matin dans la lumière
Au Parc Montsouris à Paris
À Paris, sur la terre.
La terre qui est un astre »
Jacques Prévert

Un nouveau jour se lève. Contiendra-t-il un de ces moments d'éternité qui bout-à-bout font notre histoire? Ces étincelles où on se sent à la fois plus petit qu'un grain de sable et en même temps dilaté dans tout l'univers, où on touche à la fois le quotidien et l'éternité. Comme le dit joliment Danielle Quinodoz, c'est la petite seconde chronologique dans laquelle s'engouffre un sentiment d'un autre temps.


Lu dans.
Colette Mesnage. Eloge d'une vieillesse heureuse. Ed Le Relié 2011. 251 pages. Extraits pp 247

22 septembre 2011

L'un et l'autre

"Dans chaque homme, il y a toujours deux hommes, et le plus vrai c'est l'autre."
Jorge Louis Borges

Le vieux Borges rencontre un jeune homme qui lui ressemble étrangement et ne se reconnaît guère: "les pêcheurs à la ligne voient leur passé s'enfuir lentement dans le miroir des rivières sans retour - River of no return..." Les images de nous-mêmes se succèdent par modifications successives et imperceptibles - comme au temps où les images sur pellicule créait le mouvement par de subtiles différences - entrecoupées ci et là de ruptures. Etrangement, ce sont ces accidents dans le film dont on se remémore le mieux et qu'on raconte le soir à la veillée, abandon d'un aimé, perte d'emploi, rêve qui se fracasse.
Ayant perdu toute mémoire, un vieil homme m'a raconté cette semaine le jour précis où son existence s'est arrêtée avec la perte de son emploi, mais aussi ses premières vacances dans le sud de la France sous un bout de toile cousue dont il avait fait une tente. Mises bout à bout ces interruptions du quotidien nous créent une histoire qui se laisse raconter de mille manières selon que l'humeur soit sombre ou ensoleillée. A le voir tout gris, tout cassé, bavant un peu, cherchant ses mots, on éprouve quelque peine à l'imaginer à la Maison du peuple chantant l'Internationale juché sur une chaise, ou descendant sur Avignon à moto. Ce fut lui et c'est toujours lui, successivement.


François Bott. Eloge du contraire. Editions du Rocher. 2011. 104 pages. p. 74

20 septembre 2011

La météo qu'on aime

"Cette nuit dans la bande des 20 milles entre Penmarc'h et l'Anse de l'Aiguillon, le vent sera moyen selon échelle Beaufort, les rafales peuvent être supérieures de 40 % au vent moyen,avec une dépression de 977 hectoPascal, centrée entre l'Islande et le Sud du Groenland, se décalant lentement vers les îles Féroé en se comblant. La mer sera belle à peu agitée, avec une houle d'ouest-nord-ouest de 1 à 2 mètres. Le temps sera souvent nuageux à très nuageux, risque de quelques crachins sur le Nord de la zone en seconde partie de nuit. Vent de nord mollissant 1 à 3 vers la mi-journée avant de s'orienter secteur nord-ouest 2 à 4 jeudi après-midi avec effets de brise."

Poésie de la météo marine, s'engouffrant avec les vents mollissants, la houle, la brise, la brume et le crachin dans l'habitacle de l'auto peu après 20 heures ce soir. Elle me transporte dans le temps, l'espace et ma mémoire familiale en l'espace de quelques secondes. J'en goûte le sel sur les lèvres, la morsure sur le visage et les babillages des gosses heureux dans les oreilles. La beauté se niche dans l'inattendu. Soudain c'est l'automne.

Entre algarade et lazzi

"Algarade, agonir, morgue, morigéner, gabegie, parangon, chafouin, lazzi, objurgation, pugnace, etc. (..) Mots en voie d'extinction, peut-être tout simplement parce qu'ils participent d'une trop belle langue pour notre époque. (..) Qui manie les mots maîtrise le pouvoir. "
Eric de Bellefroid

Lu dans
Eric de Bellefroid. Le juste mot, et son envers. Supplément Lire. LLB. 19 septembre 2011. p.8
Valérie Mandera. L'art du mot juste. 2011. Points 156 p.

18 septembre 2011

Une vérité trop bien construite

"L'entassement des preuves jette un doute sur ce qu'elles prouvent. (..) Quelle meilleure façon de tenir son rang, de jouer son rôle dans la comédie du "petit clan" que d'oublier , un instant, qu'on incarne un personnage? (..) Il faut se mentir à soi-même pour qu'un mensonge ne trahisse pas la vérité."
R. Enthoven


Dire la vérité, écrit Benjamin Constant, n'est un devoir qu'envers ceux qui ont droit à la vérité. Excité par les effets d'annonce, je me suis ainsi trouvé parmi les millions de badauds voyeurs à assister à la longue et laborieuse dramaturgie mise en scène par TF1 et Claire Chazal pour réhabiliter DSK. N'étant pas du cercle étroit de ceux et celles qui ont droit à la vérité - son épouse, ses enfants, quelques amis chers qui lui demeurent fidèles - on ne saurait lui reprocher cet exercice construit et tristounet, sa main droite agitant sans relâche comme un grigri le rapport du procureur Vance le disculpant. Observer de son fauteuil cet ex-grand du monde se réfugier ainsi derrière son juge, dire tout le bien qu'il pensait de sa femme, de son "amie" Aubry, de son immense respect pour les femmes et d'une vie entièrement consacrée au seul bien public était néanmoins un exercice salutaire: tout blanchi qu'il fût, sa parole ne compte plus. Une communication à ce point maîtrisée apparaît pire que le silence, qu'il aurait peut-être dû garder.

Lu dans:
Raphaël Enthoven. Le philosophe de service. NRF Gallimard. L'infini. 2011. 112 pages. Extrait p. 70

La crise des ânes

Un homme portant cravate se présenta un jour dans un village. Monté sur une caisse, il cria à qui voulait l’entendre qu’il achèterait cash 100 euros l’unité tous les ânes qu’on lui proposerait. Les paysans le trouvaient étrange mais son prix était intéressant et ceux qui topaient avec lui repartaient le portefeuille rebondi, la mine réjouie. Il revint le lendemain, offrit cette fois 150 € par tête et une autre grande partie des habitants lui vendirent leurs bêtes. Les jours suivants, il offrit 300 € et ceux qui ne l’avaient pas encore fait vendirent les derniers ânes existants. Constatant qu’il n’en restait plus un seul, il fit savoir qu’il reviendrait les acheter 500 € dans huit jours et il quitta le village.

Le lendemain, il confia à son associé le troupeau qu’il venait d’acheter et l’envoya dans ce même village avec ordre de revendre les bêtes 400 € l’unité. Face à la possibilité de faire un bénéfice de 100 € dès la semaine suivante, tous les villageois rachetèrent leur âne quatre fois le prix qu’ils l’avaient vendu et pour ce faire, empruntèrent. Les deux hommes d’affaire s’en allèrent prendre des vacances méritées dans un paradis fiscal et tous les villageois se retrouvèrent avec des ânes sans valeur, endettés jusqu’au cou, ruinés, tentant vainement de les revendre pour rembourser leur emprunt. Le cours de l’âne s’effondra. Les animaux furent saisis puis loués à leurs précédents propriétaires par le banquier. Celui-ci pourtant s’en alla pleurer auprès du maire en expliquant que s’il ne rentrait pas dans ses fonds, il serait ruiné lui aussi et devrait exiger le remboursement immédiat de tous les prêts accordés à la commune. Pour éviter ce désastre, le Maire, au lieu de donner de l’argent aux habitants du village pour qu’ils paient leurs dettes, le donna au banquier. Celui-ci, après avoir rétabli sa trésorerie, ne fit pas pour autant un trait sur les dettes des villageois ni sur celles de la commune et tous se trouvèrent proches du surendettement. Voyant sa note en passe d’être dégradée et pris à la gorge par les taux d’intérêts, la commune demanda l’aide des communes voisines, mais ces dernières lui répondirent qu’elles ne pouvaient en aucun cas l’aider car elles avaient connu les mêmes infortunes.

Sur les conseils avisés et désintéressés du banquier, toutes décidèrent de réduire leurs dépenses : moins d’argent pour les écoles, pour les programmes sociaux, la voirie, la police municipale... On repoussa l’âge de départ à la retraite, on supprima des postes d’employés communaux, on baissa les salaires et parallèlement on augmenta les impôts. C’était, disait-on, inévitable mais on promit de moraliser ce scandaleux commerce des ânes.

Transmis par mon fils Pascal, je n'en connais pas la source.

16 septembre 2011

Au-dessus de la clameur du monde

"Dans certaines communautés africaines, dont l'organisation repose non sur l'âge chronologique mais sur l'âge social, la vie est vue comme une succession de paliers ascensionnels. Le vieux est celui qui aura monté tous les degrés, expérimenté tous les stades de la vie, qui sera l'homme accompli. D'un vieillard sourd, on dira : « Il est tellement grand que notre parole n'arrive pas jusqu'à lui."
Bernadette Puijalon

Lu dans.
Colette Mesnage. Eloge d'une vieillesse heureuse. Ed Le Relié 2011. 251 pages. Extraits pp 198

15 septembre 2011

Signes de vie

"Il est mort ! Mais non, on exagère, on exagère! "
Basin , duc de Guermantes (Marcel Proust À la recherche du temps perdu)

Curieuse journée hier, dans un bien curieux pays.

14 septembre 2011

Profs vous êtes vieux

"Profs, vous êtes vieux, et vous nous faites vieillir."
Graffiti lu en mai 68

Devenus eux-mêmes septuagénaire (François de Closets) et sexagénaire (Bernadette Puijalon), des sociologues jettent un regard sans aménité sur une génération dans le refus, la leur, ayant fort investi dans la jeunesse lors de l'éruption de mai 68. Un peu ma génération aussi, même si je n'eus vent de toutes ces clameurs que l'oreille vissée à mon poste transistor Clarville, juste trop jeune pour y être admis. Mais on en rêvait. Maintenant ce sont eux, les vieux profs, qui s'accrochent et ne veulent pas vieillir. Nombreux (le baby boom), ils constituent une force politique, économique, superficiellement libertaire mais qui sait devenir frileuse quand on touche à ses acquis. Qui surinvestit dans les secteurs de loisirs, les placements sûrs, les assurances-pension, les seniories au détriment de l'enseignement, de la création d'emplois, des initiatives solidaires et du développement durable. Qui replacent périodiquement le couvercle sur une casserole qui bout comme une cocotte-minute. Comme le dit joliment Guillebaud, un vieux monde se meurt, un nouveau s'esquisse. Déjà on entend sa respiration même si on ne distingue pas ce qu'il dit. Un peu de patience.

Lu dans.
Colette Mesnage. Eloge d'une vieillesse heureuse. Ed Le Relié 2011. 251 pages. Extraits pp 178, 190

13 septembre 2011

La comédie, la comédie

"Corneille, faites cesser cette comédie."
- "Laquelle, monsieur le Marquis?"
Jean Renoir

Lu dans
Raphaël Enthoven. Le philosophe de service. NRF Gallimard. L'infini. 2011. 112 pages. Extrait p. 27

10 septembre 2011

11.9

"Y a plus rien qu'un désert
De gravats, de poussière
Qu'un silence à hurler
A la place où il y avait
Une ville qui battait
Comme un coeur prodigieux
Une fille dont les yeux
Etaient pleins du soleil de mai

Mon Dieu, mon Dieu
Faites que ce soit
Un mauvais rêve
Réveillez-moi
Réveillez-moi
Réveillez-moi".

Claude Nougaro. Il y avait une ville. 1964

La fleur subite

"Dans une boîte de paille tressée
Le père choisit une petite boule de papier
Et il la jette
Dans la cuvette
Devant ses enfants intrigués
Surgit alors
Multicolore
La grande fleur japonaise
Le nénuphar instantané
Et les enfants se taisent
Émerveillés
Jamais plus tard dans leur souvenir
Cette fleur ne pourra se faner
Cette fleur subite
Faite pour eux
A la minute
Devant eux."

L'école des beaux arts. Jacques Prévert.

09 septembre 2011

La pensée rêveuse

"La pensée est une rêverie centralisée. La rêverie est une pensée détendue."
Raymond Bachelard


La frontière entre rationnalité et imagination est poreuse, la fréquentation de nos étudiants en seconde session nous le rappelle chaque jour. La survenue d'obstacles affectifs dans leur univers mental se révèlent souvent être un obstacle infranchissable dans toute nouvelle acquisition des connaissances. Conflictuelle, cette confrontation se révèle parfois complémentaire, l'imagination enflammée par des émotions positivies se prêtant soudain à la construction des modèles scientifiques les plus fous. J'arrête ici ma lecture de Wikipedia pour tenter de passer à la pratique de tout ceci, confrontée à la "vraie vie réelle."


Lu dans:
Raymond Bachelard. Wikipedia.
Raphaël Enthoven. Le philosophe de service. NRF Gallimard. L'infini. 2011. 112 pages. Extrait p. 65

Sagesse de l'optimisme

"Si elle est en retard, c'est qu'elle viendra."
Sacha Guitry


Miracle de l'optimisme. J'ai pu évoquer Guitry hier, tentant de joindre les urgences d'un hôpital proche. Après plusieurs essais infructueux de sonneries sans réponse, soudain un frémissement: la ligne sonne occupée, on reprend espoir. Politique belge, Jour 453: les néociateurs se parlent, et respectueusement.

08 septembre 2011

Pensée rêverie

"La pensée est une rêverie centralisée. La rêverie est une pensée détendue."
Raymond Bachelard


La frontière entre rationnalité et imagination est poreuse, la fréquentation de nos étudiants en seconde session nous le rappelle chaque jour. La survenue d'obstacles affectifs dans leur univers mental se révèlent souvent être un obstacle infranchissable dans toute nouvelle acquisition des connaissances. Conflictuelle, cette confrontation se révèle parfois complémentaire, l'imagination enflammée par des émotions positivies se prêtant soudain à la construction des modèles scientifiques les plus fous. J'arrête ici ma lecture de Wikipedia pour tenter de passer à la pratique de tout ceci, confrontée à la "vraie vie réelle."

Lu dans:
Raymond Bachelard. Wikipedia.
Raphaël Enthoven. Le philosophe de service. NRF Gallimard. L'infini. 2011. 112 pages. Extrait pp. 65

07 septembre 2011

Les murs ont des oreilles

"Les oreilles n'ont pas de paupières."
M. Chion

Ceci expliquerait-il la rapidité de diffusion de la rumeur?
Michel CHION, Le Son. Traité d'acoulogie, Armand Colin, Paris, 2010, p. 23.

06 septembre 2011

Fausses vérités, vrais mensonges

" Si je te demande :
- Qu'est-ce que tu as fait de 5 à 6 ?
Tu te reposes la question :
- Ce que j'ai fait de 5 à 6 ?
C'est ainsi que tu prends ton élan pour mentir. "
Sacha Guitry
Suffit-il de dire la vérité pour être dans le vrai? Nul homme, écrivait Benjamin Constant, n'a droit à la vérité qui nuit à autrui. Exercice: un torrent d'infos, faits rapportés, opinions, révélations diverses nous submerge chaque jour; toutes sont vraies, successivement, et intrinsèquement fausses. La même chose prévaut pour ce que nous énonçons la main sur le coeur. Vrai, vraiment?

Lu dans :
Raphaël Enthoven. Le philosophe de service. NRF Gallimard. L'infini. 2011. 112 pages. Extrait pp. 69-71

04 septembre 2011

Sagesse de la salière

"Je commence à manger en vitesse dans le brouhaha d'une cantine. La salade manque de sel et la salière n'est pas sur la table. Normalement, elle devrait être là. C'est comme ça que je l'ai remarquée, parce qu'elle n'était pas là, comme toujours. À l'écart, en attente. Disponible, sachant se faire oublier. Quand elle est là, personne ne la remarque jamais. Son rôle juste être là. Au cas où. Si par hasard. (..) La salière est une chose à éclipses. Une intermittente. Elle assure seule la permanence, la continuité. Sa stabilité lui incombe, ce n'est pas votre problème. Tout ce que vous lui demandez, c'est d'être toujours en mesure de tenir son rôle. N'importe quand, à l'improviste. Samu de la saveur. Perpétuellement à disposition.

(..) Ce qui fut rareté, bien très précieux, énigme est désormais totalement commun. Répandu, pratiquement sans valeur. Aucun restaurant, même le plus pauvre, ne vous facture l'usage de la salière. Signe de civilisation: l'intégration dans l'ordinaire quotidien d'une ancienne rareté. Elle est si totalement fondue dans l'évidence commune qu'on a perdu jusqu'au souvenir de son caractère autrefois exceptionnel. La salière, pour qu'elle fasse son office, il faut le plus souvent lui mettre la tête à l'envers, la renverser, un moment. Pas trop. Une quantité très faible est suffisante. À condition de mélanger, tourner, dissoudre. À condition de ne pas confondre les poudres blanches aux effets opposés, qu'à l'œil presque rien ne distingue. Reprenez tous ces traits. Banalisée. Tête à l'envers. Petite quantité. Bien mélanger. Ne pas confondre avec ce qui paraît, vu vite, tout semblable. Tout cela n'évoquerait-il pas, précisément, l'intelligence? L'antifadeur est un combat étrange."
R-P Droit
Amusante réflexion qui vous aidera sans doute à reprendre vos tâches quotidiennes avec la motivation de ce modeste appoint ménager qu'est la salière.

Lu dans:
Roger-Pol Droit. Dernières nouvelles des choses. Odile Jacob Poches. 230 pages. Extrait p. 50

Le pouvoir du rêve

"Rien ne vaut la peine d'être vécu, qui n'est pas d'abord une oeuvre d'imagination , ou alors la mer ne serait plus que de l'eau salée."
Romain Gary
Lu dans :
Raphaël Enthoven. Le philosophe de service. NRF Gallimard. L'infini. 2011. 112 pages. Extrait pp. 100,101

03 septembre 2011

Sagesse de la lenteur

"Chine, arrête d’avancer trop vite, s'il te plaît. Attends ton peuple. Attends ton âme. Attends ta moralité. Attends ta conscience. Ne laisse pas les trains dérailler. Ne laisse pas les ponts s'effondrer. Ne laisse pas les routes se transformer en pièges. Ne laisse pas les maisons devenir dangereuses. Ralentis. Donne à toute vie la liberté et le respect. Que le temps ne laisse personne derrière et que tout le monde arrive sain et sauf"
Tong Dahuan

Sobres lignes dont le cadre d'application s'étend à bien d'autres frontières que la Chine ...

Bonheur précaire

"Le pléonasme d'un bonheur précaire."

Pléonasme: répétition de termes ou expressions ayant le même sens, un des plus amusants étant le célèbre "Fermer les maisons closes". Quant au bonheur, n'est-il qu'une contruction éphémère, dont l'essentiel résiderait dans le rêve de bonheur qui le précède? Le philosophe Schopenhauer illustrait cette réflexion du récit d'un pays de Cocagne, où tout croîtrait de soi-même, où les alouettes voleraient toutes rôties à portée des bouches, où chacun trouverait aussitôt sa bien-aimée et l'obtiendrait sans difficulté... et où les hommes meurent d'ennui.

Lu dans :
Raphaël Enthoven. Le philosophe de service. NRF Gallimard. L'infini. 2011. 112 pages. Extrait pp. 44, 45