22 janvier 2010

Le bruit merveilleux des mots quand ils se brisent

"Nous nous servons des mots avec l'habileté mais aussi l'imprudence des ouvriers qui manipulent chaque jour des explosifs."
Gilbert Cesbron.


Les mots tuent, l'absence de mots aussi. Une patiente qui m'était chère fut un jour cruellement blessée par une phrase à double signification: elle ne retint que celle qui correspondait à sa souffrance interne, sans même que j'en prisse conscience au moment même. Je ne la revis pas, et tous mes efforts d'explication butèrent sur ce qu'elle avait pris pour du mépris alors que je souhaitais simplement la réconforter. Dix ans plus tard je maudis encore mon incompréhension et regrette de ne pas avoir mesuré à temps le contresens. Mais les mots apaisent également, et ce sont parfois les plus anodins. "Votre biopsie est normale", quatre mots génériques mis bout à bout qui peuvent inonder d'une joie pareille à la plus merveilleuse déclaration d'amour, "votre test de grossesse est positif", "je ne vous reverrai pas , vous êtes guérie",  ou le banal "tout est normal" constituent autant de mots lumineux que je savoure à longueur de journée et donnent à la profession d'être humain une saveur d'éternité. 

 Gilbert Cesbron. Journal sans date. Paris. Robert Laffont. 1963

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