20 septembre 2006

En pique nique

"Notre existence est tissée de choses faites trop tard."

L'histoire est reprise par le Dalaï Lama qui introduit ses moments de méditation par la conclusion qu'il en tire. Un moine bouddhiste se faisait prier par un de ses élèves: "Emmène-moi donc en pique-nique comme tu me l'as si souvent promis." Nouvelle promesse, nouvelle attente, nouvelle désillusion: il y a tant de choses à faire, bien plus urgentes au quotidien. Les années passent, l'élève devient moine son tour, le vieux moine meurt inopinément un jour d'automne. Son disciple aimé ouvre le cortège funéraire. Sur le bord du chemin, deux étrangers s'interrogent: "Qui est-ce, et où vont-ils donc?" Le Dalaï Lama conclut dans un sourire contagieux: "Vous l'aurez deviné, en pique-nique."

On ne possède rien, jamais, qu'un peu de temps. Depuis mon retour de vacances, Je me dis que je dois absolument aller rendre visite à Louis, hospitalisé au centre ville. Vieil ami de toujours, tout bon, tout rond, tout gros, il a maigri sans raison et le corps médical s'en est alarmé. Son prénom reporté de semaine en semaine sur les pages de mon agenda (trop de trafic ce jour, pas de parking, trop de consultations urgentes, une reprise des cours imminente, grosse fatigue aujourd'hui, demain ne pas oublier Louis) sont un vivant reflet d'un certain mode de vie, ou peut-être la traduction inconsciente d'une anxiété diffuse à affronter l'image du cancer qui nous attend tous au tournant. J'ai appris sa mort ce matin. J'en ai traîné le regret toute la journée: croyais-je donc qu'il était immortel? Vendredi , Louis sera enterré près de sa plage natale, loin d'ici, près de chez lui. J'irai lui dire un tardif adieu, bloquant une journée que j'aurais été bien inspiré de lui consacrer un mois plus tôt. Où vont-ils donc? En pique-nique.

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