"Ce matin-là il avait commencé une phrase
« Il faudra pourtant se décider à... » et à ce moment
le téléphone a sonné
C'était André qui lui apprenait la nouvelle
et il est parti aussitôt
Nous ne l'avons pas revu vivant
Et je ne sais pas comment il aurait terminé la phrase
ni à quoi il pensait qu'il fallait pourtant se décider
Est-ce qu'il existe au Grand Central de la Terre
quelqu'un qui est chargé de terminer les phrases
inachevées?
y a-t-il un ministère où les employés
sont chargés de répondre aux lettres
auxquelles on projetait de répondre
les lettres qu'on n'a pas eu le temps d'écrire?
Existe-t-il un service
qui se charge de faire les cadeaux
qu'on projetait de faire mais qu'on n'a pas fait?
Où est le cabinet-conseil
qui nous réconcilierait malgré notre absence
avec l'ami avec qui nous étions brouillés
(mais nous avions décidé que la brouille était absurde)
Qui finira pour nous malgré l'absence après
l'arrêt subit
la vie qu'on avait pourtant l'intention de vivre?"
Claude Roy
Kerdavid. Samedi 29 août 1992
Petite invitation à la rêverie : demain, dans une semaine,
l'année scolaire reprend. Derniers moment volés pour quelques
modestes réflexions existentielles de fin d'été.
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