08 septembre 2015

De la joie

"Je suis heureux et rien n'en est la cause."
Christian Bobin

J'ai relu Jean Giono. Sur le plateau provençal de Grémone Jourdan laboure son champ en pleine nuit. Il sent que quelqu'un va venir et changer sa vie, chasser l'ennui. Et quelqu'un vient : Bobi, acrobate poète qui lui demande du tabac. Bobi va changer la vie des habitants du plateau en réveillant leur appétit de vivre. Désormais Jourdan refuse de faire du "travail triste" , il veut de la joie, parce que les hommes ont besoin de cette joie. Ainsi il décide de planter un champ de narcisses pour égayer le plateau et de prendre un cerf.

"Pourtant, des fois, le soir, seul au bord des routes, assis à côté de mon petit sac, en regardant venir la nuit, regardant s'en aller le petit vent dans la poussière sentant l'herbe, écoutant le bruit des forêts, j'avais parfois presque le temps de voir mon bonheur. C'était comme le saut de la puce : elle est là, elle est partie, mais j'étais heureux et libre." "Il faudrait que la joie soit paisible. Il faudrait que la joie soit une chose habituelle et tout à fait paisible, et tranquille, et non pas batailleuse et passionnée. Car moi je ne dis pas que c'est de la joie quand on rit ou quand on chante, ou même quand le plaisir qu'on a vous dépasse le corps. Je dis qu'on est dans la joie quand tous les gestes habituels sont des gestes de joie, quand c'est une joie de travailler pour sa nourriture. Quand on est dans une nature qu'on apprécie et qu'on aime, quand chaque jour, à tous les moments, à toutes les minutes tout est facile et paisible. Quand tout ce qu'on désire est là."

Une jolie expression ourdoue (Penjab) s'emploie pour exprimer cette joie sereine que décrit admirablement Giono: "Dil baagh baagh ho-gaya", littéralement: «Mon coeur s'est transformé en Jardin ». Que vous souhaiter de plus beau pour cette journée qui commence?


Lu dans:
Jean Giono. Que ma joie demeure. Grasset 1935. Le Livre de Poche 493-494. 504 p. Extraits pp. 265, 427.
Christopher Moore. Les plus jolis mots du monde. Albin Michel. 2004 (trad.2006). 160 pages. Extrait p. 31.

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