31 mars 2012

Vérité accomodée

"Impossible venir ce soir, mensonge suivra."
Proust. A la recherche du Temps perdu

Prêté au Duc de Guermantes, ce message sybillin continue à faire sourire.
  

30 mars 2012

Rien dedans

"J'ai entendu une fois mon chef de bureau dire à un collègue: «C'est un homme avec personne dedans.» J'en ai été mortifié pendant quinze jours. Même s'il ne parlait pas de moi."
Emile Ajar . Gros Câlin.

On peut imaginer que le dit chef se considérait comme "un empire dans un empire" selon la formulation classique utilisée par les grands mégalomanes. Je connais bien des gens "avec rien dedans" qui se révèlent être remarquables quand on se prend à les écouter. 

Lu dans :
Pierre Bayard. Et si les oeuvres changeaient d'auteur? Les Editions de minuit. 2010. 156 pages. Extrait p. 57

29 mars 2012

L'infinité des possibles

"L'idée de l'avenir, grosse d'une infinité de possibles, est plus féconde que l'avenir lui-même, et c'est pourquoi on trouve plus de charme à l'espérance qu'à la possession, au rêve qu'à la réalité. "
Bergson

 
Lu dans:
Raphaël Enthoven. L'endroit du décor. NRF Gallimard. L'infini. 2009. 160 pages. Extrait p. 73

28 mars 2012

Jour de chance, je me suis trompé

".. l'erreur n'est pas mauvaise en soi et il peut en exister des formes positives. De nombreuses découvertes scientifiques (il suffit de penser à Christophe Colomb) ont été réalisées parce que l'auteur s'était trompé de direction et avait ainsi, sans le vouloir, exploré une voie nouvelle. (..) L'erreur offre l'occasion de sortir des sentiers battus, de voir les choses autrement. "
Pierre Bayard

Lu dans:
Pierre Bayard. Et si les oeuvres changeaient d'auteur? Les Editions de minuit. 2010. 156 pages. Extrait p. 12

27 mars 2012

Un figure de croyant

"Deux de nos soldats tués étaient musulmans, en tout cas d'apparence, comme on dit."
Nicolas Sarkozy

Me revient une histoire de potache, se passant dans un ascenseur dont un des deux occupants s'obstine à trouver à l'autre "une tête de juif". Racontée avec habileté, elle faisait crouler les convives de rire en faisant un sort aux clichés et au délit de faciès. Une habileté plus grande encore est sans doute nécessaire pour manipuler les mêmes concepts sans faire rire.  


26 mars 2012

Réglez vos montres

"Il se fait tard de plus en plus tard."
A. Tabucchi

Grand traducteur de Pessoa, dont on découvrit une malle pleine de manuscrits non-publiés signés sous des pseudonymes divers à sa mort, Antonio Tabucchi est mort ce 25 mars à Lisbonne la nuit du passage à l'heure d'été. Le titre de son dernier recueil de chroniques n'en est que plus drôle. 

Antonio Tabucchi. Il se fait tard de plus en plus tard.  Ed. Christian Bourgois. Traduit par Lise Chapuis et Bernard Comment. 2002, 303 p. 

23 mars 2012

Liberté

"Ne sachant s'il avance ou recule
il arpente, la tête haute
cette geôle à ciel ouvert
se sustente à heure fixe
pour ne pas dépérir
et fume sans vergogne "
Abdellatif Laâbi
 
 
Lu dans:
Abdellatif Laâbi. Zone de turbulences. Clepsydre. Editions de la Différence. 2012. 112 pages. Extrait p. 46.

A deux pas de chez vous

22 mars 2012

Le mauvais chemin au mauvais moment

" J'ai été donc moi aussi
un enfant
J'ai senti
ses premières sensations
J'ai été dans son émerveillement
par les contes de la grand-mère
ou de l'oncle
J'ai été emporté par son sommeil
si profond
si paisible
et me suis réveillé dans son réveil
sans amertume dans la bouche
J'ai appris goulûment
ses premières expressions
et fredonné ses comptines
J'ai joué le plus sérieusement du monde
à ses jeux "
Abdellatif Laâbi

Un "enfant rieur" comme l'évoque Bauchau occupe la une de nos journaux. Le même homme est suspecté aujourd'hui d'être le meurtrier de Toulouse et de Montauban. Quelles pierres de quel chemin emprunte-t-on pour devenir un tueur pathologique? Quelles rencontres, quels mots, quelles lectures lui ont-elles manqué pour éviter cette chute? Dans son for intérieur, se considère-t-il comme un monstre ou comme un saint? Et quelle justice imaginer pour refaire de lui un adulte inséré dans une société à construire? 
 

Lu dans:
Abdellatif Laâbi. Zone de turbulences. Clepsydre. Editions de la Différence. 2012. 112 pages. Extrait p. 61

21 mars 2012

Le chant du loriot

"Déguisé en feuilles   dans le haut cerisier
un loriot improvise une cavatine d'été
Je guette son envol après l'accord final
rire de lumière    jaune vif aigu
mais le rusé s'esquive sans que j'aie pu le voir
et ne nous laisse que le souvenir de
sa chanson    déjà évaporée dans le soleil."
Claude Roy

Le tumulte et la médiatisation extrême des accidents et tueries me saoulent, comme  d'ininterrompues funérailles. L'émotion serait-elle devenue un marché, le respect de la paix des  morts et de leurs proches une incongruité? Soudain me parvient le chant d'un oiseau inconnu revenu au jardin, invisible mais présent. La musique de l'oiseau, la lumière à profusion d'un printemps renaissant, une légèreté dans l'air qui me donne des envies de vivre: sans honte aucune, voilà les nouvelles que ce jour il me plaît à entendre. 

Lu dans:
Claude Roy. A la lisière du temps. Gallimard. NRF. 1984. 205 pages. Extrait p.83

20 mars 2012

Relire Virgile

"Le grand périple du retour vers la terre natale fait comprendre à Ulysse qu'il est possible de revenir vers le même endroit, mais jamais au même moment. La nostalgie n'est pas une souffrance que supprime un déplacement dans l'espace. C'est une douleur suscitée par la résistance du temps à nos trajectoires. Ulysse se venge enfin, massacre les prétendants, retrouve et sa femme et son domaine. Il remporte la victoire - sauf sur le cours inexorable du temps."
Roger-P Droit

Au terme de son odyssée, Homère se voit proposer l'immortalité des dieux. Il choisit d'être une Homme, et d'avoir une fin à son histoire. Notre finitude donne un sens à notre existence.
 
Lu dans :
Roger-Pol Droit. Vivre aujourd'hui avec Socrate, Epicure, Sénèque et tous les autres. Odile Jacob. 2010. 240 pages. Extrait p. 39

18 mars 2012

Habiter ses questions

"Efforcez-vous d'aimer vos questions elles-mêmes, chacune comme une pièce qui vous serait fermée, comme un livre écrit dans une langue étrangère. Ne cherchez pas pour le moment des réponses qui ne peuvent vous être apportées, parce que vous ne sauriez pas les mettre en pratique. (..).  Ne vivez pour l'instant que vos questions. Peut-être, finirez-vous par entrer insensiblement, un jour, dans les réponses. "
Rainer Maria Rilke. Lettres à un jeune poète. 

Eloge de la distance et du temps dans un monde voué à l'immédiateté.
       
Lu dans :
Dan Van Raemdonck. Colonne vertébrale. Momento LLB. 15 mars 2012. page 4

17 mars 2012

Les minimes d'un philosophe

"Tu n'as aucune chance, mais saisis-la."
Arthur Schopenhauer.

On imagine un grand maître philosophe volontaire, adulé et reconnu de tous. C'est oublier que les deux premières éditions de son maître ouvrage ("Le Monde comme Volonté et comme Représentation"), rédigé de 1814 à 1818 sont des échecs éditoriaux, qui précèdent de peu la faillite de la société dans laquelle il a placé son héritage. Il rentre précipitamment en Allemagne, et pour soulager sa gêne financière, il devient chargé de cours à l'Université de Berlin où enseigne le philosophe Hegel, qu'il critiquera vigoureusement. Pour mieux le concurrencer il choisit d'ailleurs de faire cours à la même heure que lui... Il démissionne néanmoins au bout de six mois, faute d'étudiants, déprime, vit de ses rentes. C'est seulement vers la fin de sa vie que l'importance considérable de son œuvre se voit reconnue, et que l'attention des philosophes se détourne presque entièrement de la philosophie hégélienne. Il meurt de pneumonie à 72 ans, à Francfort-sur-le-Main, où il est enterré. Son chien, un caniche du nom d'Atma, est son seul héritier. 

Lu dans:
Roland Jaccard. La tentation nihiliste. PUF. 2012. 202 pages. Citation de Schopenhauer p.93

16 mars 2012

Pensée légère

"L'indifférence, entre les pensées, est bien plus difficile à franchir que la différence."
F. Jullien

Lu dans:
François Jullien. Entrer dans une pensée. NRF. Gallimard. 2012. 188 pages. Extrait p.30  

15 mars 2012

Mondes clos

"Je descends dans la rue, à Paris, et m'amuse à considérer les noms des restaurants chinois de mon quartier latin. Que lit-on sur ces enseignes? « Nouveau - florissant» («en plein épanouissement »), Xin cheng. Ou, la rue suivante, « Essor - déploiement - profit », Xing fa li. Ou encore « Envol ample (de l'oie sauvage) - déploiement », Qi hong. Ou même je trouve comme nom de ce restaurant de jiaozi les deux premiers mots du Classique du changement: « capacité initiatrice - essor », Qian heng, etc. Or comment sont traduits ces noms d'enseigne? Ou plutôt sont-ils traduits et que trouve-t-on écrit à côté, juxtaposé, en langue européenne? Je le cite en reprenant ces noms chinois à la suite: c'est « Delicious Monge» (de la rue Monge), « Délices asiatiques » ou «Délices express »; et, quant aux deux premiers mots du Classique du changement, c'est « Chez Tonny » ... "
F. Jullien

Qui ne souhaiterait entrer, le temps d'une soirée, dans une pensée aussi extérieure à la nôtre que la chinoise? Il mesurerait rapidement que traduire est transposer, entrer dans un cadre de pensée totalement différent, hermétique à celui qui ne fait l'effort de s'y immerger complètement. L'absence linguistique en chinois de futur ou de passé, exemple simple mais significatif, dépasse le cadre de la langue pour entrer dans une vision où la flèche du temps est absente.  D'où le leurre que représente la "traduction" des enseignes de restaurants chinois du quartier latin. Comme le précise François Jullien, "les deux rubriques en langue chinoise/européenne restent en parallèle et ne se pénétrent pas, les deux perspectives frayées dans l'une et l'autre langue ne communiquent pas. Il y a là, superposées l'une à l'autre, une appellation du dedans et une appellation du dehors, et les deux s'ignorent." 
 
Lu dans:
François Jullien. Entrer dans une pensée. NRF. Gallimard. 2012. 188 pages. Extrait p.172 

14 mars 2012

Enseigner, apprendre

"Pour construire une cabane , les enfants ont une méthode naturelle: faire en faisant. Ils imaginent, ils essaient. "Si on clouait les bois? Si on les attachait avec de la ficelle? Si on couvrait le toit de fougères?... Aussitôt dit, aussitôt fait. Lorsqu'ils échouent ils recommencent d'une autre façon, et il est rare qu'ils n'arrivent pas à quelque chose. (..)
L'ignorance est un atout , mais elle devient dangereuse dès que le projet est de quelque envergure, ou doit avoir une certaine perennité. Pour réussir une cabane, on s'inspire des exemples les meilleurs, on se documente, on extrapole à partir de techniques intéressantes, observées sur les granges et les fermes, les chalets, les maisons de bûcherons, sur tous types d'abris exotiques ou anciens, et même sur les bateaux."
A. Marcel

Belle définition de l'apprentissage, démarche duale alliant l'expérience personnelle et la patiente acquisition de savoirs transmis. Contemplant le jardin qui s'éveille, je le prolonge vers ces innombrables écoles qui au moment même façonnent nos jeunes artisans de demain, et cela me réjouit.  
  
Lu dans:
Antoine Marcel. Traité de la cabane solitaire. Artea. 2011. 180 pages. Extrait p.76

12 mars 2012

De la démocratie

« Nos contemporains sont incessamment travaillés par deux passions ennemies: ils sentent le besoin d'être conduits et l'envie de rester libres. Ne pouvant détruire ni l'un ni l'autre de ces instincts contraires, ils s'efforcent de les satisfaire à la fois tous les deux. Ils imaginent un pouvoir unique, tutélaire, tout-puissant mais élu par les citoyens. (..) Dans ce sytème les citoyens ne sortent un moment de leur dépendance que pour désigner leur maître et y rentrent aussitôt."
Alexis de Tocqueville.

Dès 1840 Tocqueville avait prévu qu'un morne consentement pourrait bien abandonner à un seul homme tout l'exercice de la souveraineté. La chose publique deviendrait alors une carrière comme une autre, aussi ouverte aux plus mesquines cupidités qu'aux plus chimériques ambitions. L'unique condition pour y réussir serait que tout y fût si petit qu'on n'y pût jamais rien soupçonner de magnifique (N. Grimaldi). 

Que la campagne est belle! Foules, drapeaux, regards énamourés, ralliements et trahisons, adoubements et soupçons composent un spectacle où le décor prime sur le texte, toujours composé pour un chevalier solitaire à qui il incombe d'éviter divers obstacles pour atteindre le Graal : épouser la princesse.

Lu dans :
Nicolas Grimaldi. L'effervescence du vide. Grasset 2012. 175 pages. Extrait p.133.

De la légèreté

"Les parachutistes savent pourquoi les oiseaux chantent."
H. Bauchau.

... et pour prolonger cette légèreté , lire Chesterton qui se demande "pourquoi les anges volent-ils?" "Parce qu'ils se prennent à la légère." Passer ne serait-ce qu'un moment de l'autre côté du miroir en s'échappant de la pesanteur ambiante, est un cadeau rare qu'on se souhaite au début d'une semaine aux allures printanières. 

Lu dans:
Henry Bauchau. Tentatives de louange. Actes Sud 2011. 53 pages. Extrait p.12
Antoine Marcel. Traité de la cabane solitaire. Ardea 2011. 178 pages. Extrait p. 169

11 mars 2012

Un étrange dialogue

« [Il y a] aujourd'hui pour moi un moi réel, qui n'est plus que le quart ou la moitié d'un homme, et un moi virtuel qui conserve encore une vive idée du tout. Le moi virtuel dresse un projet de livre, commence à en organiser les chapitres, et dit au moi réel : "C'est à toi de continuer." Et le moi réel, qui ne peut plus, dit au moi virtuel : "C'est ton affaire. C'est toi seul qui vois la totalité." Ma vie se déroule à présent dans ce dialogue très étrange. »
Claude Lévi-Strauss évoque sa vieillesse dans un numéro spécial édité à l'occasion de ses 90 ans, et lors d'une réception a lieu au Collège de France. Ce qu'il décrit correspond à la réalité de la vie dès la naissance, mais l'homme ne le découvre que lorsque le corps faiblit. 

Lu dans:
http://fr.wikipedia.org/wiki/Claude_Lévi-Strauss
Denis Bertholet, Claude Lévi-Strauss, Paris, Odile Jacob, 2008. Extrait p.34. 

10 mars 2012

Tombé de son corps

"Je suis un apprenti de mon corps de grand âge
je ne suis plus mon corps, je suis dans ses limites."
H. Bauchau
Quasi centenaire, Henry Bauchau sait sans doute de quoi il parle, et il le fait avec beaucoup de justesse. Les limites physiques ne sont néanmoins pas les plus invalidantes: l'incapacité à utiliser son intelligence, la perte d'ouverture aux soucis d'autrui, l'absence de projet, la perte de confiance en soi et en les autres, un pessimisme dans l'avenir constituent autant de restrictions amenées par l'âge que la médecine reconstructrice peine à solutionner.   
    
Lu dans :
Henry Bauchau. Tentatives de louange. Actes Sud. 2011. 53 pages. Extrait p.11

07 mars 2012

Ainsi sont les choses

"Etre naturel et calme
Dans le bonheur comme dans le malheur
Penser comme l'on marche
Et lorsqu'on va mourir    se rappeler que le jour meurt
Et que le couchant est beau et belle la nuit qui se fait
Et que si ainsi sont les choses
c'est que les choses sont ainsi. "
Fernando Pessoa
  

06 mars 2012

Les frontières de l'esprit

"Ce corps
est mon plus proche ami
Nous en avons fait des choses ensemble
et ne nous sommes jamais rien caché
Il m'a fait arpenter le monde connu
et je l'ai introduit
dans les contrées de l'esprit."
A. Laâbi

Mystère d'une cohabitation. Des patients vus ce jour, combien se satisfont-ils de leur enveloppe humaine, qui ne correspond jamais entièrement à l'idée qu'on se fait d'une belle image et d'un bon outil. Pas assez beaux, pas assez sveltes, pas assez souples, pas la bonne couleur, ni la bonne taille, ni le bon visage. Corps de souffrance parfois, qu'on aimerait mettre en repos. Et pourtant, comme le confiait une patiente, corps qui demeure la seule chose qui nous reste quand on a tout perdu et qui nous permet d'accéder aux contrées du rêve, de la beauté et de la vie intérieure. Par un juste retour de fortune, point n'est besoin d'un corps idéal pour explorer des espaces merveilleux dans sa tête ou sur terre, et on a connu des gibbeux rêvant de chênes droits des racines aux cimes. 

Lu dans :
Abdellatif Laâbi. Zone de turbulences. Clepsydre. Editions de la Différence. 2012. 112 pages. Extrait p. 75.

05 mars 2012

Compartiment vie

"Pas envie d'écrire : Je suis né. On m'a né, voilà qui serait plus juste."
 L. Janvier

On se retrouve embarqué tout jeune dans un train qu'on n'a pas choisi, ni sa destination, ni les compagnons de voyage, et dont on peut à tout moment se voir débarqué sans préavis. On reçoit quelques bagages, inégalement répartis, pour occuper le temps, mais en réalité on ne les utilise que peu: la majeure partie du temps on patiente, on observe le paysage qui défile, on nettoie le compartiment, on attend le passage du contrôleur craignant qu'il ne nous demande où on se rend, car on aurait bien de la peine à lui répondre. Il y a des jours, il y a des nuits. On se calfeutre pour éviter les variations trop brutales du climat, veillant à ne pas trop bouger de peur de gêner nos voisins. Parfois il arrive qu'on croise en autre train, qui parvient à nous inquiéter: refait-on ainsi le voyage souvent, et c'est quand qu'on va où? 

Lu dans :
Ludovic Janvier. La Confession d'un bâtard du siècle. Fayard. 2012. 272 pages.
Monique Petillon. Faire flèche de tout chagrin . Le Monde des livres. 2 mars 2012

04 mars 2012

Faim de soi

"Je me souviens que je lui ai dit ça très franchement, il faut maigrir pour manger moins, mais c'est très dur pour une vieille femme qui est seule au monde. Elle a besoin de plus d'elle-même que les autres. Lorsqu'il n'y a personne pour vous aimer autour, ça devient de la graisse."
Emile Ajar

Il a la faim parce qu'on a faim, et l'autre. On mange aussi parce qu’on a peur, parce qu’on a mal, parce qu’on s’ennuie. Parce qu'on a peur d'avoir faim, de dépasser l'heure, de décevoir l'autre qui vous invite. Parce qu'on a dans la tête des projets de croissance infinie, comme notre société. Parce qu'entre le travail et le travail, il y a la table. Parce que c'est le seul moment où on vous laisse tranquille. Parce que c'est bon. Parce qu'avec le pain et la viande, il y a le vin qui met le coeur en joie et favorise les conversations. Parce que ..

Lu dans :
Emile Ajar. La vie devant soi. Folio. Mercure de France 1975. 275 pages. Extrait p.56
Dominique Breda. "Do Eat" du 1er au 31 mars au Théâtre de la Toison d’Or, Bruxelles
MAKEREEL,CATHERINE. Théâtre et danse ont un petit creux. Le Soir. 28 février 2012. p. 35

03 mars 2012

La licorne de porcelaine

Keegan Wilcox a gagné le concours intitulé “ Dites-le à votre manière ! “ lancé par le metteur en scène anglais Sir Ridley Scott. Les conditions de participation étaient relativement simples: la longueur du film présenté ne devait pas dépasser 3 minutes, le texte ne devait pas avoir plus de 6 lignes, le sujet abordé devait être captivant. "La Licorne de porcelaine“ l'a emporté avec un sujet sobre : une histoire vécue par deux personnes que tout oppose et qui pourtant restent très proches l’une de l’autre. 


01 mars 2012

La peau qui cache le caractère

"Les hommes âgés , ou malheureux, ou malades, semblent avoir été trempés soit dans une acide qiui corrode leur peau et creuse profondément leurs traits, soit dans un bain de lait qui rend leur chair douce et molle comme celle d'un poisson cuit dans la crème."
Irène Némirovsky

Un amour sur les murs

"Je t'aime, je t'aime, je t'aime. On n'est pas maître d'un incendie."
Déclaration d'amour sur un parapet du site de l'UCL à Woluwe.
Le délit est signé: l'amoureux transi ne s'est guère réfugié dans l'anonymat. Heureuse aimée qui se découvrira ainsi honorée. On sourit, et puis on ne sourit plus. On relit Belle du Seigneur d'Albert Cohen: "L'amour que tu me donnes est un ciel profond, profond, où je trouve des étoiles nouvelles chaque fois que je regarde. Jamais je ne cesserai d'en découvrir, et cela va si loin, si loin."  Où va se nicher en nous la force des sentiments, et quelle recette donner pour éviter qu'elle ne nous calcine? Comment transformer la violence de l'incendie, qui emporte l'être humain vers les extrêmes et les extases, en énergie durable et renouvelable pour l'espace d'une vie?  

Et comme on le dit ce jour-ci : en avant mars.  Je vous souhaite une bonne semaine
CV.

Lu dans :
Passerelle Emmanuel Mounier, Woluwe St Lambert, mercredi 29 février 2011
Albert Cohen. Belle du Seigneur. Gallimard. Nrf; 1968. 848 pages. Extrait p.413.
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