28 décembre 2024

Sagesse de Nâzim Hikmet

 

"Aujourd’hui c’est dimanche.
Pour la première fois aujourd’hui
ils m’ont laissé sortir au soleil,
et moi,
pour la première fois de ma vie,
m’étonnant qu’il soit si loin de moi
qu'il soit si bleu
qu’il soit si vaste
j’ai regardé le ciel sans bouger.
Puis je me suis assis à même la terre, avec respect,
je me suis adossé au mur blanc.
En cet instant, pas question de gamberger.
En cet instant, ni combat, ni liberté, ni femme.
La terre, le soleil et moi.
Je suis heureux."
                    Nâzim Hikmet


Treize années passées dans les prisons turques, avant de connaître l'exil, ont fait de Nâzim Hikmet un symbole, un porte-voix. Mais avant tout un homme, dont les paroles s'adressent à chacun de nous. Sortir de ces prisons - qui ne sont pas des bagnes - mais empêchent de vivre, - un simple bégaiement, un visage dysharmonieux, une répartition du gras aux mauvais endroits, une lenteur à comprendre, et pire encore à répondre, l'impression d'être né(e) au mauvais endroit, à la mauvaise époque, la culpabilité sourde de ne pas avoir été la bonne fille, la bonne mère, le bon amant, bref de n'être qu'un papillon qui ne peut s'extraire d'une chenille chiffonnée... Et puis un jour, par quel miracle, sortir au soleil, s'étonner, regarder le ciel sans bouger, et "en cet instant, ni combat, ni liberté, ni femme", s'émerveiller de la terre, du soleil et de soi, enfin simplement être heureux. 


Lu dans:
Nâzim Hikmet. Il neige dans la nuit et autres poèmes. Claude Roy (Préface), Münevver Andaç (Traduction), Güzin Dino (Traduction). Gallimard. 1999. 420 pages

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