"Avec la naissance, les parents ne donnent pas seulement la vie, ils font entrer un monde »
Hannah Arendt
Si on ne choisit pas ses parents, être né quelque part, comme le
chante Maxime Leforestier, signifie entrer dans une culture, des
coutumes, une civilisation particulière. Un monde de sons, de saveurs de
cuisine, de senteurs d'épices, une luminosité propre et une multitude
d'interactions avec la réalité observées dans sa famille. La naissance
d'un enfant le plonge dans une réalité autre que la
sienne, et qui le précède. Je rêvais à tout cela hier soir en découvrant
le beau montage réalisé par mes frères à l'occasion de notre réunion de
Noël rassemblant la famille élargie aux enfants et petits-enfants.
Amusante et parfois émouvante succession de clichés sépias, de courtes
vidéos d'enfants rieurs, mêlant comme dans un rêve les grands-parents
disparus et les arrivées successives des beaux-enfants , des bébés et
puis des chiens. On sourit de tant d'élégance avant que les tailles ne
s'alourdissent, de tant cheveux sur les crânes, de cette avalanche de
goals marqués et de courses à pied remportées presque sans effort. On
balise les époques en distinguant les modèles de voiture, la longueur
des robes des filles et celle des rouflaquettes des garçons. Et je
saisis soudain mieux l'expression "fondu-enchaîné" qui relie les dias.
Enchaîné, on entre dans la vie sur un projet initié par les parents,
démuni de toute expérience propre - tout cela nous sera donné. On entre
dans la vie et on entre dans un monde. Fondu, on le quitte sur la pointe
des pieds, tout aussi démuni mais en laissant derrière nous un monde où
nous avons laissé trace et qui ne demande qu'à être transmis.
L'immortalité a un sens si on accepte de ne pas se casser la tête,
acceptant avec humilité que ce passage a un sens et qu'aucune
dissolution n'est vaine.
Lu dans:
Hannah Arendt. La Crise de la culture. La Crise de l’éducation. Gallimard. 1968. Folio Essais. 1989. 384 pages
Bérénice Levet. Penser ce qui nous arrive avec Hannah Arendt . L’Observatoire. 2024. 240 pages.
Aucun commentaire:
Enregistrer un commentaire