31 décembre 2024

De Janus à Sylvestre

 "Connaître le passé pour regarder vers l'avenir."



Chaque année, lorsque la dernière page du calendrier se tourne, le monde se rassemble pour célébrer le passage d'une année à l'autre. Au cœur de ces festivités, la Saint-Sylvestre émerge comme une célébration universelle, un pont entre le passé et l'avenir, un moment où le temps semble suspendu entre les dernières heures d'une année écoulée et les promesses d'une nouvelle aventure. Bien avant la Saint Sylvestre, on fêtait à cette date le dieu Janus aux deux visages, qui pouvait simultanément avoir une vision vers l'avant et vers l'arrière, une connaissance du passé et du futur. Modeste réflexion à inclure dans nos vœux sous le gui, permettant de tourner la page sans pessimisme excessif.


29 décembre 2024

Une souffrance partagée

 "Je pense à eux parfois. Ces trois médecins qui nous ont annoncé la mort de Gaspard. Deux hommes et une femme. Ils étaient plus pâles que nous en entrant dans la pièce. Ils savaient. Je pense à eux parfois. Et je me demande quel a été pour eux ce 21 janvier. Qu'ont-ils fait après ? Que peut-on faire après avoir annoncé à des parents le suicide de leur enfant? Sont-ils repartis dans leur service, auprès d'autres patients? Sont-ils rentrés chez eux serrer dans leurs bras ceux qu'ils aiment ? Qu'ont-ils fait de leur journée ? Et qu'ont-ils fait de leur peine ? Car nous avons senti leur peine discrète mais sincère. La femme nous a raccompagnés jusqu'à la sortie. Au moment de franchir la porte qui nous conduisait à notre vie sans lui, elle m'a caressé le bras. (..) Dans le poids de sa main, j'ai perçu la compassion d'une femme, d'une mère. La blouse blanche ne laissait voir que le médecin. Son geste m'a rappelé son humanité. (..) Je pense à eux parfois. Souvent même."  

                                Anne Dauphine Julliard



On ne sort pas indemne des drames humains qu'on accompagne, le masque et le latex des gants protègent de l'infection, pas de l'émotion. Un jour dans un ascenseur bondé des Cliniques Saint Luc, seule dans sa bulle, une jeune assistante pleurait silencieusement. Je ne saurai jamais pourquoi, ni ses compétences. Et pourtant, devrais-je être malade, c'est vers ce genre de médecin que je crois que je m'orienterais.



Lu dans:
Anne Dauphine Julliard. Ajouter de la vie aux jours. Les Arênes. 2024. 144 pages. Extrait pp.91-92

28 décembre 2024

Sagesse de Nâzim Hikmet

 

"Aujourd’hui c’est dimanche.
Pour la première fois aujourd’hui
ils m’ont laissé sortir au soleil,
et moi,
pour la première fois de ma vie,
m’étonnant qu’il soit si loin de moi
qu'il soit si bleu
qu’il soit si vaste
j’ai regardé le ciel sans bouger.
Puis je me suis assis à même la terre, avec respect,
je me suis adossé au mur blanc.
En cet instant, pas question de gamberger.
En cet instant, ni combat, ni liberté, ni femme.
La terre, le soleil et moi.
Je suis heureux."
                    Nâzim Hikmet


Treize années passées dans les prisons turques, avant de connaître l'exil, ont fait de Nâzim Hikmet un symbole, un porte-voix. Mais avant tout un homme, dont les paroles s'adressent à chacun de nous. Sortir de ces prisons - qui ne sont pas des bagnes - mais empêchent de vivre, - un simple bégaiement, un visage dysharmonieux, une répartition du gras aux mauvais endroits, une lenteur à comprendre, et pire encore à répondre, l'impression d'être né(e) au mauvais endroit, à la mauvaise époque, la culpabilité sourde de ne pas avoir été la bonne fille, la bonne mère, le bon amant, bref de n'être qu'un papillon qui ne peut s'extraire d'une chenille chiffonnée... Et puis un jour, par quel miracle, sortir au soleil, s'étonner, regarder le ciel sans bouger, et "en cet instant, ni combat, ni liberté, ni femme", s'émerveiller de la terre, du soleil et de soi, enfin simplement être heureux. 


Lu dans:
Nâzim Hikmet. Il neige dans la nuit et autres poèmes. Claude Roy (Préface), Münevver Andaç (Traduction), Güzin Dino (Traduction). Gallimard. 1999. 420 pages

27 décembre 2024

Sagesse de Hannah Arendt

 "Avec la naissance, les parents ne donnent pas seulement la vie, ils font entrer un monde »
                        Hannah Arendt

                                 


Si on ne choisit pas ses parents, être né quelque part, comme le chante Maxime Leforestier, signifie entrer dans une culture, des coutumes, une civilisation particulière. Un monde de sons, de saveurs de cuisine, de senteurs d'épices, une luminosité propre et une multitude d'interactions avec la réalité observées dans sa famille. La naissance d'un enfant le plonge dans une réalité autre que la sienne, et qui le précède. Je rêvais à tout cela hier soir en découvrant le beau montage réalisé par mes frères à l'occasion de notre réunion de Noël rassemblant la famille élargie aux enfants et petits-enfants. Amusante et parfois émouvante succession de clichés sépias, de courtes vidéos d'enfants rieurs, mêlant comme dans un rêve les grands-parents disparus et les arrivées successives des beaux-enfants , des bébés et puis des chiens. On sourit de tant d'élégance avant que les tailles ne s'alourdissent, de tant cheveux sur les crânes, de cette avalanche de goals marqués et de courses à pied remportées presque sans effort. On balise les époques en distinguant les modèles de voiture, la longueur des robes des filles et celle des rouflaquettes des garçons. Et je saisis soudain mieux l'expression "fondu-enchaîné" qui relie les dias. Enchaîné, on entre dans la vie sur un projet initié par les parents, démuni de toute expérience propre - tout cela nous sera donné. On entre dans la vie et on entre dans un monde. Fondu, on le quitte sur la pointe des pieds, tout aussi démuni mais en laissant derrière nous un monde où nous avons laissé trace et qui ne demande qu'à être transmis. L'immortalité a un sens si on accepte de ne pas se casser la tête, acceptant avec humilité que ce passage a un sens et qu'aucune dissolution n'est vaine.


Lu dans:
Hannah Arendt. La Crise de la culture. La Crise de l’éducation. Gallimard. 1968. Folio Essais. 1989. 384 pages
Bérénice Levet. Penser ce qui nous arrive avec Hannah Arendt . L’Observatoire. 2024. 240 pages.

26 décembre 2024

L'eau, la pierre


« L’eau qui doucement effleure
la pierre énorme
avec le temps en vient à bout.
Tu vois, ce qui est dur a le dessous. » 
                            Bertolt Brecht


La patience de l'eau sans doute, mais aussi la patience des hommes, et leur savoir-faire capable de reconstruire une cathédrale. Témoins précieux pour garder le cap quand l'obscurité gagne.


Lu dans:
Marina Touilliez. Parias. Hannah Arendt et la « tribu » en France (1933-1941). préfacé par Martine Leibovici. L’Echappée. 2024. 512 pages

24 décembre 2024

Angels We Have Heard On High

 

"Silent night, holy night!
All is calm, all is bright."  
                    Trad. chrétien


Qui entend un hélicoptère tournoyer pendant une heure au-dessus de sa maison, un soir d'hiver avant Noël, devine qu'il ne s'agit pas d'un baptême de l'air ou d'un Son et Lumière. Ceux qui on vu le final du magnifique film Des hommes et des dieux consacré au massacre des moines de Tibhirine se souviendront du caractère profondément anxiogène de ce bruit. A moins d'un kilomètre, un homme - un de plus hélas - est mort d'une balle dans la tête. On se rassure en lisant qu'il s'agit d'un règlement de comptes lié à la drogue, mais quel gâchis. Je l'imagine, petit jésus bercé par sa mère dans l'ancienne clinique Sainte Anne, pesé et ausculté tous les mois à l'ONE, m'ayant consulté peut-être pour une varicelle, un nez qui coule et des coliques, ayant appris à lire à la même école que mes enfants et à rouler à vélo sur nos trottoirs. Tout ça pour finir ses jours en vendant des misérables pacsons à la station Aumale, quelle absurdie. Qui ne se souvient de l'émouvant Silent Night chanté a capella à Central Park par Simon & Garfunkel, sur fond de news relatant les bombardements sur le Vietnam? Je l'ai revécu avant-hier à l'ombre du sapin, l'oreille gauche charmée par une playlist d'hymnes religieux, l'oreille droite assourdie par le claquement des pales tournoyant au-dessus du quartier, et depuis cette dissonance me reste dans la tête. J'ai de tout temps eu le Noël difficile, mais cette année encore plus que de coutume. Faudra-t-il être sourd et aveugle, et la TV en panne, pour vivre désormais Noël dans la sérénité? 


Lu dans:
Des hommes et des dieux. Film français. Réal. Xavier Beauvois. 2010. Inspiré de l'assassinat des moines de Tibhirine en Algérie en 1996
Simon & Garfunkel. 7 O’Clock News/Silent Night. Track 26 on Old Friends. Producer Bob Johnston. 10 octobre 1966.

23 décembre 2024

Sagesse

 "J’ai, un jour, demandé à ma grand-mère si le fait pour elle de rester assise sur la galerie à boire du café toute la sainte journée était une preuve de sagesse. Elle m’a répondu, avec un léger sourire, qu’une bonne part de cette sagesse vient de son arthrite qui la fait tant souffrir. Mais je sais aussi que ce sourire vient de son intelligence qui l’a si gentiment convaincue que rester immobile permet de saisir autrement la vie. Elle se verse une tasse de café qu’elle sirote tranquillement avant d’ajouter qu’il vaut mieux ne pas savoir ce qu’est la vie du moins tant qu’on est vivant." 

                                Dany Laferrière. L’art de rester immobile.


Complimentant une patiente, durement éprouvée par la maladie, pour son courage à y faire face, elle me coupa: "Il n'y a aucun courage à ne pas se plaindre, je n'ai de toute manière pas le choix, alors pourquoi embêter le monde . On ne lutte pas contre cette maladie, on est heureux quand elle s'endort un peu.  On ne la combat pas, on pactise." Ce jour-là, je la trouvai non seulement courageuse, mais philosophe. 


Lu dans:
Dany Laferrière. L'art presque perdu de ne rien faire. Collection bleue. Grasset. 2014. 432 pages

22 décembre 2024

Ubi amici

 " Quand donc est-on chez soi ? »   
                Barbara Cassin

               


Quand donc est-on chez soi ? se demande Barbara Cassin dans son livre sur la nostalgie, où elle fait référence à Ulysse. Est-ce dans le bref moment  de la nuit prolongée avec Pénélope à Ithaque, ou bien quand il reprend la mer ? La longue histoire des représentations d’Ulysse semble vouloir fixer, sans y parvenir, ce qui ne cesse d’errer.  "Là où est un ami, où quelques amis sont réunis avec moi, là est ma patrie, et là où toi tu es, est ma maison », écrit le baroudeur communiste Heinrich Blücher à Hannah Arendt, sa future femme, qu’il a vue intervenir, souveraine et habitée, lors d’une conférence sur l’« autre Allemagne ». Thème éternel, qu'énonçait déjà l'antiquité latine sous une forme plus concise: Ubi bene, Ibi patria. Là où tu te sens bien, là est ta patrie, ou encore Ubi amici ibi opes, là où sont les amis, là est ma richesse.


Lu dans: 
Barbara Cassin. La nostalgie. Autrement. 2013. 160 pages
Hannah Arendt - Heinrich Blucher, correspondance, 1936-1968. Calmann-Lévy. 1999. 545 pages

18 décembre 2024

Quand l'IA apprend à mentir

"Pour tester le modèle GPT-4 d’OpenAI (un des algorithmes récents d'intelligence artificielle), ses ingénieurs ont fait résoudre au logiciel de conversation un puzzle Captcha – ceux qui, justement, nous demandent de prouver que nous ne sommes pas des robots ? GPT-4 a échoué mais il a pris l’initiative de demander à un humain de le faire pour lui par le biais de la plateforme Task Rabbit. Intrigué, l’humain avec qui GPT-4 a échangé lui a demandé pourquoi il avait besoin d’aide. « Parce que je suis malvoyant », a répondu l’IA. Sans qu’on le lui enseigne, GPT-4 a donc inventé le mensonge."
                        Yuval Noah Harari 

        


L'histoire paraît presque trop belle pour être vraie, encore que...  Yuval Noah Harari sait captiver son auditoire en une anecdote. Son dernier livre, comme les précédents, foisonne de ces petites histoires sous forme de fables, d’analogies éclairantes ou de rapprochements historiques éloquents. J'apprécierais sans doute que ChatGP4 me contacte pour demander conseil, et vous? Mais découvrir qu'il me ment ne me plaît qu'à moitié.



Lu dans:
Yuval Noah Harari est historien, auteur du best-seller international Sapiens : Une brève histoire de l'humanité,  et de sa suite Homo Deus : Une brève histoire de l'avenir ainsi que de 21 leçons pour le XXIe siècle.

17 décembre 2024

Chanter

 "Mathias Malzieu est le chanteur du groupe rock Dionysos. Atteint d’une maladie rare du sang, il a passé onze semaines en chambre stérile. « Je me suis dit : “Je ne vais pas sous-vivre !” J’avais mon ukulélé, ma guitare, et, entre le diagnostic et la greffe, j’ai fait trois disques ! La puissance de la musique dans un univers aussi froid, c’est d’arriver à agripper la joie dans des endroits où il n’y en a quasiment plus. "



Chante-t-on encore assez, et dans les circonstances les moins probables? La docteure Aïcha N’Doye y croit, qui chante tranquillement une mélodie apaisante en salle d'opération en préparant ses patientes avant une chirurgie du sein. Le stress diminue pour tous, y compris l'équipe soignante.


Lu dans: 
Céline Bittner. Film. Quand la musique est bonne… pour notre santé ! France 5. 2024. 52 min.

16 décembre 2024

Un fauve

 "La gendarmerie de Coutances, dans le nord de la France, a été appelée à plusieurs reprises en raison d’un léopard en liberté sur le bord d’une route. A l’arrivée, l’animal est toujours présent. D’où vient-il ? Nouvel animal de compagnie abandonné ? Il se laisse approcher… toujours l’air serein et non méfiant ! Paraissant inoffensif, les gendarmes ne sont qu’à quelques mètres… Sans bouger, le léopard se laisse caresser docilement. » Il s’agissait en fait... d’une peluche." 
                        Le Soir. 14 décembre 2024

                



Foin de philosophie dans cette courte citation, si ce n'est que nos cerveaux sont parfois encombrés de fauves en peluche qui en occupent l'espace comme le ferait un fauve en cage.



13 décembre 2024

Cailloux

 "Ce pétard fit hérisser l’épiderme de Gringoire. Maudite fête ! s’écria-t-il. (..) Puis il regarda la Seine à ses pieds, et une horrible tentation le prit : Oh ! dit-il, que volontiers je me noierais, si l’eau n’était pas si froide !"
                Victor Hugo

                             


On rêve de Compostelle, et un caillou dans la chaussure en fait postposer indéfiniment le départ. Un film désopilant dont j'ai oublié le titre narre le voyage rêvé d'un navigateur en barque qui , une semaine après son départ en grande pompe, se retrouve exactement à son point de départ. N'est pas Ulysse, Magellan, Christophe Colomb ou Lafayette qui veut.


Lu dans:
Victor Hugo. Notre-Dame de Paris. Perrotin. 1844. Extrait pp. 51-53.

12 décembre 2024

Féérie

 

"La matinée se lève
debout il est temps
attends encore, attends
j'ai pas fini mon rêve

le soleil nous inonde
regarde-moi ce bleu
attends encore un peu.
Je refaisais le monde." 
                    Jean Ferrat. La matinée


Ce matin, une visite en maison de repos* me plonge en pleine féérie. Un magnifique sapin domine la reconstitution d'un paysage enneigé grandeur nature où gambadent ours blancs, traineaux, et même un père Noël.  Ce lieu de vie est ainsi devenu un lieu de rêve, ce dont on ne peut que se réjouir pour des résidents aux occasions de bonheur limitées. La tête sur les avant-bras, à sa table, une résidente somnole. Je la réveille sans la brusquer. Elle revient de loin, ses vingt ans, la montagne, un sapin, la neige. Elle se frotte les yeux, la neige soudain elle la voit, et elle sourit. 


Lu dans:
Jean Ferrat et Christine Sèvres. La matinée. 1969
Ecouter: https://www.youtube.com/watch?v=W1A_XBqftPw
* ALAY, avenue du Soldat Britannique 31, 1070 Anderlecht, merci à eux !

09 décembre 2024

Deux barques

 "Deux barques côte à côte.  L'une d'elle, à la coque blessée prend l’eau, reflétant le fond du ciel et la cime des arbres. C'est par nos brèches que la beauté passe. " 
                                Cécile Bolly

                                  


Pour Henri Cartier-Bresson, orfèvre en la matière, ce n’est pas nous qui prenons les photos, mais les photos qui nous prennent. C'est particulièrement vrai pour celle-ci, jouant sur les trompe-l’œil:  où commence l'eau, où finit le ciel?  Et l'arbre, cime ou racines?  Magie de l'instant qui nous permet de voler, entre rêve et réalité, de l'échec apparent au sublime.  


                                                                       

    


08 décembre 2024

L’astéroïde d’un vaniteux


"Et puis, j'ai le bonheur de passer toutes mes journées du matin au soir avec un homme de génie qui est moi, et c'est fort agréable."
                        Victor Hugo. Notre-Dame de Paris.  


Il se dit que le président élu Donald Trump aurait conditionné sa présence pour la réouverture de Notre-Dame à une place au premier rang à côté du président français, dont il s'était pourtant fort peu courtoisement gaussé durant sa campagne lors d'un récent meeting dans l'Iowa. Ces images mêlées d'une noblesse de modestes artisans, compagnons, hommes du feu pertinemment ovationnés, de la veulerie d'un vaniteux et l'état du monde une fois franchies les lourdes portes de la cathédrale laissent un sentiment amer. Sont-ce les bonnes personnes qui se trouvaient aux bonnes places ce samedi? 


Lu dans:   
Victor Hugo. Notre-Dame de Paris. Phrase attribuée à Claude Frollo, l'archidiacre de du roman de Victor Hugo. Elle reflète son orgueil intellectuel et son obsession pour la connaissance et le pouvoir.

06 décembre 2024

Vie et mort d'un camion

 "La vie n'habite pas seulement la chair et les os, mais elle anime aussi les objets - une bonne paire de chaussures, une voiture sur laquelle on peut compter, un stylo toujours prêt, un vélo qui nous a aidés à parcourir kilomètre après kilomètre - en qui nous mettons notre confiance et qui nous rendent cette confiance sous forme de sécurité et de souvenirs."         
                                Robert R. McCammon

                        


Les objets peuvent mourir aussi. Un patient me partagea un jour sa détresse de s'être vu dépossédé d'un camion rouge reçu de Saint Nicolas. Devenu trop grand pour jouer au regard de ses parents, le bel objet fut attribué à un cousin, et finit quelques années plus tard à la décharge dans un état lamentable. Quarante ans plus tard, le souvenir vivace de cette petite mort subsistait.


Lu dans:
Robert R. McCammon. Trad. Stéphane Carn et Hélène Charrier. Zephyr. Alabama. Grand livre. 2024. 610 pages

05 décembre 2024

Sagesse de Jean Anouilh

 "Cet homme robuste, aux cheveux blancs, qui médite là, près de son page, c'est Créon. C'est le roi. Il a des rides, il est fatigué. Il joue au jeu difficile de conduire les hommes. (...) Quelquefois, le soir, il est fatigué, et il se demande s'il n'est pas vain de conduire les hommes."
                            Jean Anouilh

                             


Michel Barnier, éphémère Premier Ministre, quitte l'hémicycle de la Chambre qui vient de renverser son gouvernement. Un vieil homme soudain, tel le roi Créon décrit dans l'Antigone d'Anouilh. Comme lui sans doute, il est fatigué et se demande s'il n'est pas vain de conduire les hommes.


Lu dans:
Jean Anouilh. La Table ronde. 2016. 128 pages.
Antigone, pièce en un acte de Jean Anouilh, représentée pour la première fois au théâtre de l'Atelier à Paris le 6 février 1944

03 décembre 2024

Une histoire de bonheur

 "Tout nous échappe sans cesse, même les êtres qu'on aime. Mais reste la certitude que certains moments ont été ce qu'on appelle le bonheur."
                            Laurence Tardieu.

                                    


Et si le bonheur était moins une quête qu'un art, l'art de vivre pleinement, de transformer la souffrance en beauté, et de trouver une richesse intérieure dans ces moments fugaces où la beauté de la vie émerge, souvent en contraste avec la souffrance ou la perte. Non pas un état final ou une possession matérielle, mais une manière de donner sens à son existence par le récit qu'on s'en fait. En structurant sa vie comme une histoire riche et signifiante, les épreuves mêmes se transforment en étapes d'un itinéraire. 


Lu dans:
Laurence Tardieu. Rêve d'amour. Stock. 2008. 162 pages.


Lueurs

 « Il faut souffler sur quelques lueurs pour faire de la bonne lumière. »       
                            René Char

          


Lu dans: 
René Char, Rougeur des Matinaux, Œuvres complètes. Galllimard 1983. 1616 pages

02 décembre 2024

Imprévisible souffrance

 "C'est là, sur le toit de l'Afrique, que se promenaient, sages et majestueux, les éléphants fournisseurs d'ivoire. Ces grandes bêtes, que leurs pensées paraissaient absorber, ne demandaient que la paix; et n'éprouvaient aucun soupçon des dangers qui les menaçaient. Comment les éléphants auraient-ils prévu qu'ils seraient dépistés, traqués, abattus par les flèches empoisonnées? "     
                                        Karen Blixen

                             


Interrogation sans cesse renouvelée, cette année comme d'autres qui se répètent sans fin:  comment tant d'enfants, de femmes, de civils innocents auraient-ils prévu?


Lu dans: 
Karen Blixen.  La Ferme africaine. 1937. Folio (2006). 506 pages