23 mai 2024

Une héroïne si lisse

 "La petite fille la plus célèbre de Belgique (et pas seulement) fête ses 70 ans et en a connu, des aventures. Elle fait du sport, part en vacances, va à l’école et aussi à la campagne, elle fait du cheval, de la musique, de la voile et du camping, prend l’avion. A l’image d’un monde d'avant, heureux, lisse, en plein développement, optimiste et confiant dans l’avenir, dans lequel évolue la grande sœur qu’on voudrait avoir, la cousine avec qui on rêve de jouer, la copine de classe parfaite, polie, bien élevée, obéissante. On est loin des Malheurs de Sophie."

                                Laurence Boudart


Qui aurait pu penser que cette période d’optimisme et de développement incarnée par les albums de Martine aurait été un jour fissurée par la catastrophe écologique globale à laquelle nous sommes maintenant confrontés, mais surtout par la métamorphose de l'image de la femme telle que le dessinateur Marcel Marlier et le narrateur Gilbert Delahaye l'idéalisaient? Métamorphose qui n'a pas fait fuir pour autant leurs lecteurs(trices), une vraie mine d’or qui donne le tournis : 70 ans de création au rythme d’un nouveau titre par an entre 1954 et 2010, tirage initial de 150.000 exemplaires par album, des ventes cumulées dépassant les 120 millions d’exemplaires en français, à quoi on ajoutera 50 millions traduits en une trentaine de langues étrangères. Bon an mal an, les albums de Martine continuent de se vendre à plus ou moins 400.000 exemplaires par an. Bien en phase d'une époque si sage, dans les années 1970 certains d'entre eux présentaient un encart didactique, par exemple les principaux panneaux routiers que tout cycliste se devait de connaître. Les petites filles d'aujourd'hui s'y reconnaissent-elles encore?


Lu dans: 
Laurence Boudart. Martine, l’éternelle jeunesse d’une icône. Casterman. 2024. 128 pages.
Marguerite Roman. On est sérieux quand on a 70 ans? Le Carnet et les Instants. Le blog des Lettres belges francophones. 22 mai 2024.

1 commentaire:

Tania a dit…

Ah que ce billet me fait plaisir ! J'ai adoré lire les Martine et je suis toujours un peu triste quand on la déprécie, comme si ses couleurs, son optimisme et sa joie de vivre n'avaient plus droit de cité dans le monde actuel. Ravie de lire que ces livres se vendent encore très bien.