"Exister aux yeux des autres. Aminata, venue d’Afrique, se perçoit ainsi : invisible. (..) Pour les gens de cette ville les étrangers sont pareils à des taches de couleur qui glissent sur le paysage gris, des taches qui passent, qui vont et viennent, et qui un jour disparaissent. Ils s’effacent de la mémoire, c’est comme s’ils n’avaient jamais existé… L’île Maurice, l’Afrique, la France, Panama, on en passe, la géographie est vaste et les questions se répètent. Au Panama, précisément, la population de la forêt est invitée à voter, en 1971. C’était un long ruban brun qui coulait dans les rues, venant de tous les côtés. Et tout à coup les blancs prennent conscience d’une chose inconcevable pour leur esprit l’instant d’avant : ils vivaient sur une terre indienne."
J.M.G. Le Clézio
Il est là, jour après jour, au carrefour du bout de ma rue, avec son
panneau griffonné "Une petite pièce, j'ai faim." Certains jours, il
m'arrive de me demander s'il s'agit de la même personne: les pauvres
sont tellement interchangeables qu'on ne les distingue plus les uns des
autres. Me revient le souvenir de cette môme de douze ans, interdite de
voyage scolaire dans le Nord de la France car ne possédant pas de
papiers, à qui je demandais d'épeler son identité. Mon nom? Éveline
Persona, car je ne suis personne. C'était il y a vingt ans et je perdis
sa trace, mais pas le souvenir de sa révolte.
Lu dans:
J.M.G. Le Clézio. Avers: Des nouvelles des indésirables. NRF Gallimard. 2023. 224 pages.
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