"Longtemps, je n’ai pas eu le vertige. Je n’éprouvais sans doute aucune de ses deux composantes : la peur de la chute et l’attirance pour le vide. Aujourd’hui, je dois avoir perdu mes ailes : si je grimpe au sommet d’une tour d’où se dévoile un vaste panorama, je garde mes distances. Ce n’est pas tellement que j’aie peur de tomber mais plutôt d’avoir envie de plonger. "
Daniel Charneux
Un jour, 4 ans, peut-être 5, profitant d'une brève absence des parents,
j'avais entrepris de mettre mes doigts dans une prise de courant. La
perception du danger était à la mesure de l'interdiction formelle de
m'en approcher, et c'est précisément ce qui en faisait l'attrait.
Premières découvertes de l'ivresse que procure la liberté de bien ou mal
faire, mais surtout d'entrouvrir les portes débouchant sur un infini
qu'on souhaite expérimenter. L'arrivée de ma maman et la cuisson de la
fessée me dissuada pour quelques années de reprendre le projet. D'autres
ivresses similaires survinrent plus tard, toutes pareilles, tout aussi
folles: que se passerait-il si soudain je lâchais toute la puissance de
la moto, rien que pour voir, ou si je nageais à perdre haleine vers le
large pendant dix minutes, ou si je tentais du parapente sans
apprentissage... Le vertige qui nous fait reculer demeure sans doute
l'arme la plus efficace contre l'ivresse de tester les limites de sa
liberté.
Lu dans:
Daniel Charneux. Les oiseaux n’ont pas le vertige. Genèse édition. 2022. 207 pages.
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