"Chaque anniversaire n’est pas une année de plus, mais une année de moins. Combien d’années de moins voulez-vous en plus ?"
Raphaël Enthoven
Et pour poursuivre dans la même veine, il se disait de Mathusalem
que l'âge avait si peu de prise sur lui qu’à cinq cent
soixante-dix-huit ans il n’en paraissait que trois cent deux.
Étrange comportement humain que de comptabiliser ainsi ses années sur
terre, les plus jeunes prenant fierté à se vieillir d'un an quand est
évoqué leur proche anniversaire, l'adulte mûr à masquer son âge en le
diminuant... pour se vieillir à nouveau quand approche la décennie qui
fait de vous un héros survivant aux autres, "j'ai bientôt nonante ans
savez-vous". A quoi sert-il de baliser son passage sur terre d'unités de
mesure sans aucune signification à l'échelle de l'univers, et dont la
perception fluctue en fonction de leur intensité vécue? Quel plaisir
trouve-t-on à ce comportement d'otages noircissant les murs de leur
geôle d'une croix à chaque lever du soleil, alors que rien ne distingue
un jour d'un autre? Si ta vie était un feu, et toi le bois qu'il
embrase, en chiffrerais-tu la durée où te contenterais-tu de le
contempler, entre réalité et rêverie? Et l'évolution de ses flammes, de
l'allumage jusqu'aux braises, t'inspirerait-elle la même nostalgie que
celle ressentie face aux rides d'un visage? Si ta vie était un ruisseau
rejoignant la mer, en marquerais-tu les berges d'étapes chronométrées?
Si ta vie était le vent qui souffle, comment en baliserais-tu la course?
La vie est trop belle pour se laisser emprisonner dans un calendrier.
Lu dans:
Raphaël Enthoven, Jiang Hong Chen. Imaginez. Coll. Medium+. 2019. 96 pages. Extrait page 88
Raphaël Enthoven, Jiang Hong Chen. Imaginez. Coll. Medium+. 2019. 96 pages. Extrait page 88
Aucun commentaire:
Enregistrer un commentaire