"Il y a plus de mille photographies dispersées dans le cimetière. Le jour où toutes ces photos ont été prises, aucun des hommes, des enfants, des femmes qui posaient innocemment devant l'objectif ne pouvait penser que cet instant les représenterait pour l'éternité. [Photos saisies] un jour où ils étaient un peu plus beaux, un jour où ils étaient tous réunis, un jour particulier où ils étaient plus élégants. C'est important de mettre des photos sur les tombes. Sinon on n'est plus qu'un nom. La mort emporte aussi les visages."
Valérie Perrin
Près de la tombe de mes parents repose un patient, que je salue au passage avec émotion. Sa photo sépia date de 1936, il porte béret et on devine la tente sur la moto de sa première descente vers le Midi. Il devait avoir 16 ou 17 ans, et la vie devant lui. Il était plutôt sympa, et quand il prit femme, il ajouta un side-car à sa bécane. Premiers congés payés, on touchait du doigt ce que pourrait être le bonheur et la liberté de partir deux semaines tous frais payés. Ils ne se doutaient guère que leur véhicule allait les emmener sur des routes moins insouciantes trois ans plus tard. Chaque photo est un récit de vie.
Lu dans:
Valérie Perrin. Changer l'eau des fleurs. Albin Michel 2018. 560 pages. Extrait p.44