« Les vieillards me semblent être comme ces voyageurs qui, en quittant le port, fixent encore la terre du regard et ont l'impression que leur navire reste immobile et que c'est la rive qui s'éloigne."
Giacomo LEOPARDI
Une patiente âgée m'a amusé en rapportant que "ses verres de lunettes
faiblissaient avec le temps", expliquant ainsi sa difficulté à lire le
journal. On est dans un récit du même ordre que la réflexion de Leopardi
(1798-1837) opposant la permanence de soi ressentie par l'homme qui
vieillit face à la ligne du temps qui défilerait sans cesse, au vélo qui
paraît plus lourd, aux côtes qui se font plus raides, la viande plus
dure, les couleurs de la ville plus ternes sans réaliser qu'en fait
c'est la pompe cardiaque qui faiblit, le souffle qui se fait court, la
denture qui déchausse, la cataracte qui guette. Le concept d'un temps
extérieur qui s'écoule, comme le paysage paraît défiler aux yeux de
l'observateur qui le contemple par la fenêtre du train qui l'emporte,
apparaît bien comme une invention occidentale, anthropocentrique, dont
la culture chinoise traditionnelle par exemple n'a que faire. Pas plus
que le paysage ne bouge la fuite du temps n'existe, seuls nos regards se
transforment selon une transition que nous nous plaisons à mesurer, et à
extrapoler à l'échelle de la planète.
Lu dans:
Giacomo Leopardi. Joël GAYRAUD, traduction. Pensées. Ed Allia. 2014. 128 pages.
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