"La proximité, en musique et ailleurs, exige cette sorte de silence intérieur qui laisse en nous la place pour la voix de l'autre."
Jean-Marc Besse
"Il existe bien des sortes de silence. Il y a par exemple le silence que
les pouvoirs font régner pour des raisons politiques, le silence de la
réprobation morale ou religieuse, le silence complice qu'on impose à
autrui au nom de l' omerta. Ce sont des silences contraints, dont
l'objectif est l'interdiction de toute parole, voire la terreur du
langage. Il y a aussi le silence de la satiété, de la satisfaction du
désir de l'apaisement, du bonheur sans paroles ni bavardages. Un silence
de l'intimité sans inquiétude. On connaît aussi le silence de la fin,
quand tout s'arrête par impuissance ou manque de volonté ou d'énergie.
C'est le silence du «il n'y a plus rien à dire ». Mais il existe aussi
une quatrième forme de silence, celui du recueillement qui accompagne
l'écoute. Écoute de l'autre et écoute de soi. Dans cette relation entre
le silence et l'écoute, relation qui laisse venir la parole, il est
possible de trouver un lieu d'habitation. Le silence ne s'oppose pas à
la parole, mais plutôt au bavardage, à ce qu'on appelle aujourd'hui la
communication, c'est-à-dire à une espèce de nappe bruyante de mots qui
nous entourent sans but ni fin et qui nous mettent littéralement hors de
nous. Pouvons-nous réellement habiter dans ce que David Le Breton
appelle justement cette « ébriété de paroles», dans cette injonction à
tout dire et tout montrer, dans cette exposition généralisée aux bruits
et aux images qui ne nous laissent aucun repos ni retrait? Écoute-t-on
seulement quelque chose dans cet univers de la parole parlée?
Regarde-t-on vraiment ce qu'on nous jette aux yeux? Constamment
sollicités, excités par un déferlement kaléidoscopique de sons et
d'images se succédant sans relâche, nous sommes toujours en retard par
rapport à ce qui vient de disparaître."
Lu dans:
Jean-Marc Besse. Habiter un monde à mon image. Flammarion. 2013. 254 pages. Extrait p.51, pp 168-169
David Le Breton, Du silence, Paris, Métailié. Collection. Traversées). 1997, 292 pages Extrait p. 11
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