"Foi en cette humanité
ni tout à fait barbare
ni tout à fait humaine
se perdant
se retrouvant
trébuchant
se relevant
marchant sur sa corde raide
mais marchant
connaissant ses limites
les repoussant
succombant aux ruses de l'Histoire
les déjouant
amnésique
et férue de mémoire
Cette humanité-là
mon unique peuple."
Abdellatif Laâbi
Etonnant contraste. D'un côté le récit médiatique autour de la victoire
du Front national en France, éventail d'opinions tranchées et
sous-titrées par la mention de l'appartenance politique des locuteurs.
Un microcosme dont les acteurs sont beaux, bien coiffés, bien habillés,
s'expriment avec élégance. De l'autre côté les récits de vie des
patients rencontrés en consultation cet après-midi, pas beaux, mal
attifés, s'exprimant en un langage stéréotypé, bredouillé, entrecoupé de
"que dirais-je" et de "je dirais même plus", mais dont chaque mot est
significatif d'un vécu unique. Je ne connais ni leur appartenance
politique, ni leurs sympathies pour les cadors qui nous gouvernent, et
pourtant ils expriment mieux que quiconque les échecs, les convictions,
les préoccupations pour le lendemain qui - en soi - constituent la
substance de la chose publique. Comme l'écrit Laâbi, j'aime cette
humanité-là.
Lu dans:
Abdellatif Laâbi. Zone de turbulences. Clepsydre. Editions de la Différence. 2012. 112 pages. Extrait p. 99
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