"J'ai toujours, devant les yeux, l'image de ma première nuit de vol en Argentine, une nuit sombre où scintillaient seules, comme des étoiles, les rares lumières éparses dans la plaine. Chacune signalait, dans cet océan de ténèbres, le miracle d'une conscience. Dans ce foyer, on lisait, on réfléchissait, on poursuivait des confidences. Dans cet autre, peut-être, on cherchait à sonder l'espace, on s'usait en calculs sur la nébuleuse d'Andromède. Là on aimait. De loin en loin luisaient ces feux dans la campagne qui réclamaient leur nourriture. Jusqu'aux plus discrets, celui du poète, de l'instituteur, du charpentier. Mais parmi ces étoiles vivantes, combien de fenêtres fermées, combien d'étoiles éteintes, combien d'hommes endormis ... II faut bien tenter de se rejoindre. II faut bien essayer de communiquer avec quelques-uns de ces feux qui brûlent de loin en loin dans la campagne."
Antoine de Saint Exupéry.
Le survol de nos journées recueille autant de lumières éparses que
d'étoiles éteintes, autant de foyers où on lit, on réfléchit, où se
poursuivent les confidences que de dortoirs pour hommes endormis.
S'efforcer d'aimer les uns et les autres: si nous connaissions leur
passé sans doute comprendrions-nous.
Lu dans :
Antoine de Saint-Exupéry. Terre des hommes. Gallimard 1939. Folio 21. 183 pages. Extrait p. 9
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