"Mono no aware"
La brièveté du printemps japonais, en particulier la célèbre « Sakura » ou floraison des cerisiers, rappelle que l’intensité sensorielle est inversement proportionnelle à la durée. Le front de la floraison, qui remonte depuis le sud de l'achipel, est avidement suivi par tous les médias pendant les dix jours que dure l’événement, entre l’éclosion du premier bourgeon et la chute du dernier pétale. Spécificité culturelle, le paroxysme de la floraison n’est pas considéré ici comme le plus esthétiquement parfait: l'ultime beauté n’est atteinte que quand les pétales commencent à tomber en une pluie de confettis roses. La perfection d'un événement réside dans sa précarité, qui célèbre le monde tout en y renonçant. Le terme "mono no aware" décrit cet état d'esprit, la "tristesse sereine" de Tamako Niwa, qui nous envahit à la vue de la floraison qui éclôt et qui s'éteint, à la fois acceptation tranquille d'un monde en transition, plaisir innocent et éphémère goûté à l'activité quotidienne ou encore sérénité face à la précarité de la vie qui nous a été donnée, et nous sera reprise après que nous l'ayons donnée à notre tour.
Lu dans :
Jacques Roubaud. Mono No Aware, le sentiment des choses. Gallimard. NRF. 1970
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