"Les libraires sont toujours à l'écoute de ceux qui se faufilent en leur jardin de livres."
F. Andriat.
"Il ajoute qu'il ne sait pas ce qu'il désire, qu'il est entré là par
hasard, qu'il voulait respirer un coin hors du monde, qu'il désirait
s'accorder un temps d'arrêt et que son seul souhait est de rester
quelques instants en compagnie des livres. Elle lui répond par un
sourire, retourne à sa lecture, le laisse gambader dans les allées de
son merveilleux potager d'histoires. L'homme baguenaude entre les
rayons, s'arrête sur une couverture, en effleure le drapé, en touche une
autre et ses doigts glissent sur une douce pellicule de vernis mat, un
peu comme sur une peau qu'on aime et qui s'étire sous le plaisir. Il
poursuit son périple, avance de quelques mètres, saisit délicatement un
ouvrage dont le titre l'attire, le retourne, parcourt d'un œil vif les
lignes qui le présentent, le dépose, indécis; comment, si l'on n'éprouve
aucune envie particulière, choisir en cette multitude de livres, celui
qui rassasiera? Il lève la tête, pose les yeux sur elle et s'impose à
lui une évidence: le livre qu'il achètera est celui qu'elle lit avec une
assiduité délicieusement troublante. Pourquoi chercher parmi les ombres
celui qui est vivant? Dans ce jardin de phrases, seul un texte vit et
c'est celui qu'elle met en lumière par le regard qu'elle lui accorde."
Hasard (?) des lectures, je découvre le délicieux ouvrage de Frank
Andriat, une des plus belles plumes qu'il m'ait été donné de lire ces
derniers mois, "La jolie libraire dans la lumière". Sa description d'une
librairie du centre de Bruxelles offre un contrepoint superbe à la
description proposée hier dans "Un libraire en colère" d'E.Delhomme.
Même métier, deux visions: je n'ai pas résisté au plaisir de confronter
le rageur "Je cherche un livre dont je ne sais ni le titre ni le nom de
l'auteur" à la courte méditation littéraire qu'oppose Frank
Andriat à cette question presque métaphysique: on ne découvre de trésor
que par le regard des autres. Et le libraire demeure souvent ce regard.
Lu dans:
Frank Andriat. Jolie libraire dans la lumière. DDB. Littérature ouverte. 2012. 146 pages. Extrait p. 12
Frank Andriat. Jolie libraire dans la lumière. DDB. Littérature ouverte. 2012. 146 pages. Extrait p. 12
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