07 mai 2011

Le vivant et l'inachevé

"Achever un tableau, comme disait Picasso, c'est comme achever un taureau, c'est le tuer."


Beaudelaire ne disait rien d'autre quand il dit de certaines tâches qu'elles étaient "faites" mais "non-finies", l'auteur les ayant quittées avant terme pour demeurer à l'oeuvre. La semaine passée, interrogeant un ami cher, sculpteur, sur le plaisir que lui procurait la réalisation d'une sculpture il me confiait que le véritable plaisir résidait dans le fait de sculpter, et non dans sa fin.

Dans un autre contexte, et presqu'antinomique de Picasso, me revient l'image du dernier tableau d'un patient, inachevé car atteint de troubles de la vue et d'un Alzheimer débutant. Il ne parvenait plus à capter la lumière pour la placer dans son paysage et rangea ses pinceaux laissant la toile sur son chevalet dans l'atelier désormais inoccupé. Inachevée, mais "morte" car déshabitée par la luminosité habituelle à ses autres peintures.



Lu dans
François Jullien. Philosophie du vivre. NRF Gallimard. Bibliothèque des Idées. 2011. 270 pages. Extrait page 56.

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