02 septembre 2010

L'immense beauté du monde

"Il est plus de merveilles en ce monde que n'en peuvent contenir tous nos rêves."
S. Tesson citant Shakespeare
Si l'année a repris, les images de vacances ne sont jamais loin. Comme celle d'Izumi Tateno, le pianiste japonais et ses cinquante années de carrière, jouant à Saint Félix-Lauragais devant un public conquis dans un vieux cellier aménagé pour la circonstance. Victime en scène à la fin d'un récital d'une attaque cérébrale qui le laisse paralysé du côté droit, il a repris sa tournée en jouant seulement avec sa main valide. Un nombre de nouvelles œuvres ont été écrites pour lui par des compositeurs japonais, finlandais, argentin, contemporains qui ont été touchés par son énergie. Moment magique d'une rencontre entre un vieil homme ému et son public fidèle pour lequel il a traversé l'océan, partageant sa musique tard dans la nuit.

Autre jour, autre émotion. Recevoir comme un cadeau le jeu intimiste de l'organiste Fernande Desplats, titulaire de l’orgue de Saint Félix (1781, restauré en profondeur il y une vingtaine d'années) sur lequel elle veille avec un soin jaloux. Elle nous a concocté une visite privée, gratuite sur une simple demande, de l'instrument endormi dont l'histoire raconte celle de la France. Un monceau de partitions d'époque débordent négligemment d'une banale armoire en bois vermoulu, n'intéressant personne. Se trouver seuls face à tant de beauté fait frissonner, tout comme l'interprétation qui nous sera faite ensuite de la cantate BWV 147 - Jésus que ma joie demeure de JS Bach. Elle propose de descendre dans la collégiale, de nous placer à un endroit précis devant le choeur et de laisser parler en nous le silence. Jamais silence ne fut rompu par une beauté si intense, interprétée par une âme pure et passionnée qui miraculeusement a croisé notre route.

Ce soir je relis Sylvain Tesson décrivant ces nomades "sans tarentelle ni transhumance, qui ne conduisent pas de troupeaux et n'appartiennent à aucun groupe mais qui se contentent de voyager silencieusement, pour eux-mêmes et parfois en eux-mêmes. On les croise sur les chemins du monde. Ils vont seuls avec lenteur sans autre but que celui d'avancer dans le sillon de leur passion". Quelle merveille que d'en rencontrer.

Lu dans:
Sylvain Tesson. Petit traité sur l'immensité du monde. Editions des Equateurs 2005. 170 pages. Extrait pp 14 et 100

Aucun commentaire: