"Un paysan qui veut que son blé pousse, tire sur les pousses; le soir, quand ses enfants accourent voir le résultat, tout est desséché. En tirant sur les pousses, en visant par cette action directement l'effet, il a forcé l'effet et produit immanquablement du contre-effet. Car la poussée est dans la situation: la graine qui est dans la terre et ne demande qu'à pousser. Faut-il pour autant rester passivement au bord du champ et regarder pousser: j'attends que ça pousse... ? Non, bien sûr; il convient seulement, nous dit Mencius, de faire ce que tout paysan sait, qui est discret et non pas héroïque: de jour en jour, biner, sarcler, bêcher, au pied de la pousse - favoriser la poussée, c'est-à-dire favoriser la transformation silencieuse qui aboutit peu à peu, sous nos yeux, mais sans qu'on s'en aperçoive, à ce que le blé un jour soit mûr et qu'on n'ait plus qu'à le couper. "
Mencius
Mencius, est à la fois le nom d'un penseur chinois ayant vécu aux alentours de 380-289 av. J.-C, disciple de Confucius et recueil d'entretiens consignés dans le livre qui porte son nom, le Mencius. On y retrouve cette autre anecdote souvent racontée aux enfants en Asie du Sud-Est. Un jour, sa mère, ayant élu domicile dans un endroit "convenable" pour l'éducation de son fils, était à son ouvrage - un métier à tisser. Elle vit le jeune garçon rentrer de l'école plus tôt que prévu. Sans mot dire, elle prit les ciseaux et coupa le beau morceau de tissu qu'elle était en train de réaliser. Le jeune Mencius lui demanda pourquoi ce geste de destruction d'un si bel ouvrage ! Ce à quoi sa mère rétorqua : « C'est exactement ce que tu es en train de faire ! » Aussitôt, l'enfant se confondant en excuses, retourna à l'école et devint le grand philosophe Mencius.
Lu dans:
Mencius II, A, 2 (16)
François Jullien. Les transformations silencieuses. Chantiers, I. Grasset. 2009. 198 pages. Extrait p. 185
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