05 novembre 2008

America the beautiful

"O beautiful for spacious skies,
For amber waves of grain,
For purple mountain majesties
Above the fruited plain!
America! America!
God shed his grace on thee
And crown thy good with brotherhood
From sea to shining sea!"


Ce matin j'ai eu 9 ans. 1960, entre cousins nous jouons à Faites un voeu, et la réponse fuse: devenir président des Etats-Unis. Images en noir et blanc de JohnJohn et Caroline Kennedy, 2 et 4 ans, éblouis devant la Maison Blanche. Images de Dylan aux côtés de MLKing au Capitole chantant "The times they're A-Changin" devant des milliers de marcheurs pour les droits civiques, ou de Joan Baez égrenant "O deep in my heart I do believe We'll walk hand in hand someday". Images tremblantes d'empreintes de pas sur la Lune.

Et puis, en l'espace de quelques mois, toujours en noir et blanc, une série de coups de feu, des images de guerre, des plombiers poseurs de micros, et plus récemment d'hommes en pyjama rouge enfermés comme des bêtes à Guantanamo, des prisonniers hommes et femmes nus mêlés à des chiens étaient parvenus à fracasser le rêve: quel homme sur terre, dites-moi rêvait encore de devenir américain durant cette longue glaciation. US Go home devenu un cri de rassemblement quasi universel. Quelle tristesse. Honte inavouée aussi, d'avoir pu ressentir une fraction de seconde vite réprimée une pensée horrible au moment de l'écroulement des deux tours jumelles: ils ne l'ont pas volé. Vous étiez devenus ce vieil oncle riche que Disney popularisa sous les traits de Picsou, et qu'on rêve de voir un jour ruiné. Fallait-il que l'image d'un pays aimé se soit désintégrée, deuil dont au fond de nous nous ne nous remettions guère.

Ce qui s'est passé cette nuit dépasse le cadre de l'histoire individuelle: aucun mythe ne résiste à l'usure du temps et le nouveau président connaîtra lui aussi des lendemains qui déchantent et le désamour. Mais cette élection et la fierté qu'elle suscite loin au-delà des frontières de l'Amérique nous transforme tous au plus profond de nous-mêmes. Je me suis surpris dans le métro ce matin, assis en face d'une maman africaine, à la regarder avec un regard tout neuf: soudain, elle n'était plus noire, mais femme tout simplement. Ce changement-là, intérieur, n'a pas de prix et nous fait toucher du doigt que l'histoire vit parfois des mutations collectives. Et de cela nous sommes reconnaissants au peuple américain ce matin.

Une pensée particulière pour Corentin, sa famille, Nicole, David, leurs enfants, Paulette, Daniel, et tant d'autres qui partagent j'en suis sûr mon émotion durant cette superbe journée.

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