27 février 2008

Merci les moineaux

"Avec l'âge survient et grandit chez un trop grand nombre d'hommes , prélude au sommeil définitif, une inappétence de l'esprit, un dégoût devant l'effort de connaître, une anorexie mentale."
T. Maulnier.


Je relis ce soir quelques pages de Thierry Maulnier. J'aime m'extraire parfois du tourbillon des titres de livres récents qui font l'événement et procurent la délicieuse griserie d'être dans le coup ("il faudrait que tu lises ce livre, il vient de paraître" - "oui je sais je l'ai lu la semaine passée") pour effleurer les pages de livres qui firent mon bonheur il y a vingt ou trente ans. Je retrouve les pages annotées et les phrases cochées au crayon dans la marge, mesurant l'évolution de mes préoccupations et émois personnels au fil des années qui s'écoulent. Je n'avais pas coché la citation reprise ce jour: ce qu'on appelle "avec l'âge" m'apparaissait tellement incongru à l'époque sans doute. Aujourd'hui elle se superpose à cette réflexion de Francis Dannemark relue la semaine passée ("Qu’il pleuve") : «Avec le temps, on ne vit plus que des sentiments mitigés : plus rien n’est plein, ni les bonheurs ni les malheurs ; toute chose à son ombre, qui s’allonge et où l’on pourra se reposer.» On ne peut mieux dire. Ce matin, je fus réveillé une heure avant le lever du soleil par un étourdissant concert d'oiseaux annonçant un printemps proche dans notre minuscule jardin de ville. Il s'en dégageait une force de conviction peu commune, comme si ces dizaines de petits gosiers fragiles se liguaient pour conjurer l'hiver, l'obscurité, la froidure invitant à nous lever et à cueillir la lumière du jour dans sa plénitude: réveillez-vous, l'hiver s'enfuit. Jadis, très loin jadis j'avoue, je me levais avec eux et pour peu j'aurais chanté à l'unisson: une journée à vivre, quelle aventure. Je n'ai plus connu ce sentiment de plénitude depuis longtemps, cette aisance à bondir dans un jour ensoleillé avec la hâte de n'en perdre pas une minute. Suis-je le seul a entrer ainsi dans ma vie le matin à reculons, paraphrasant tel moraliste connu "le soleil brille, un nouveau jour se lève, les ennuis commencent." Merci les moineaux.

Lu dans:
Thierry Maulnier. Le dieu masqué 1980-1984. Essai. Gallimard. NRF.1985. 340 p. Extrait. p. 315.
Qu’il pleuve. Francis Dannemark. Ed. Pocket. Coll. Best. 2000.

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