23 septembre 2007

Une petite histoire de chien pour Bernard Kouchner

A en croire ses dernières déclarations, le ministre français des Affaires étrangères (ou est-ce le ministre de la Guerre?) serait déterminé à en découdre à tout prix avec l’Iran. Avant que les choses n’aillent trop loin, qu’il me soit permis, au vu de la mésaventure arrivée à l’un de mes amis antiquaire, de lui conseiller la prudence.
Cet ami-là était récemment à Téhéran en quête de l’objet rare. Or voilà qu’au bazar, passant l’échoppe d’un marchand d’épices, le spectacle d’un chien enfournant sa pitance attire son regard. C’est alors qu’il se rend compte que le bol bleu turquoise qui sert à l’animal de gamelle est un précieux kachan datant du treizième siècle et valant des dizaines de milliers de dollars. Il me le faut, se dit-il, mais je dois à tout prix éviter de mettre la puce à l’oreille du marchand. Il s’approche donc de ce dernier et lui demande du safran."Accepteriez-vous" lui dit-il ensuite en agitant devant ses yeux un beau billet vert, "de me vendre ce chien pour cent dollars américains? " "Marché conclu" s’empresse de dire le marchand en empochant l’argent. "Je vais lui prendre sa gamelle", lui dit alors mon ami qui voyait bien que l’Iranien avait mordu à l’hameçon. "Je vous en donne dix dollars". Mais à sa grande surprise, ce dernier refuse de lui céder la gamelle du chien pour dix dollars. Mon ami lui en offre alors cent, puis deux cents, puis cinq cents, puis mille, mais en vain.
"Pourquoi diable tenez-vous tant à cette gamelle?" s’insurge-t-il finalement. "C’est un talisman, monsieur" lui répond le marchand persan. "Un vrai porte-bonheur !"ajoute-t-il. "Un porte-bonheur? Un talisman?" Mon ami n’y comprenait rien. "Voyez-vous", lui explique alors l’Iranien, "depuis que j’ai cette gamelle, j’ai bien dû vendre un millier de chiens comme celui-ci à des messieurs occidentaux comme vous."
Cela pour dire qu’avant de se fourvoyer plus avant dans ce bras de fer, nos gouvernants feraient bien de se rappeler que les ancêtres de ceux qui président aujourd’hui aux destinées de l’Iran excellaient déjà dans l’art de la diplomatie quand, en Occident, on en était encore à pousser des grognements, à se taper dessus à coups de massue et à traîner les femmes par les cheveux. Mon souci étant que, les Persans continuant à se montrer plus malins qu’eux, les dirigeants du monde occidental ne perdent finalement leurs nerfs et ne recourent à la canonnière. Auquel cas ils ne devraient pas avoir plus de succès avec les Iraniens, que mon ami antiquaire. Bien au contraire. Lui au moins, serait reparti de Téhéran avec un gentil chien-chien.
Percy Kemp. Rue 89. 19/09/2007

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