"Qui est en charge du train qui fonce ?
Les couplages s’étirent, les essieux grincent.
L’allure est folle et tout proche l’aiguillage.
Et le conducteur dort du sommeil du sage.
Les signaux clignotent dans la nuit en vain…
Mais qui est en charge de ce pauvre train ?."
Edwin James Milliken
Le texte est beau, écrit au départ
d'un incident assez banal. Le 12 juillet 1890, une
motrice légère, sans wagons, entre en collision avec l'arrière
d'un train de marchandises. Le seul décès est dû à une longueur de
bois qui a pénétré dans le train passant sur une autre voie. Le
conducteur avait raté les signaux d'arrêt par fatigue. L'histoire
veut que Winston Churchill en fit une lecture éloquente au
Parlement pour mettre en garde ses compatriotes contre la menace
allemande, ajoutant de l'effet dans sa description du convoi qui
fonce dans la nuit, la plupart des voyageurs somnolant,
inconscients du danger. L'historien Elie Barnavi la reprend à son
compte, contemplant le spectacle d’un monde anomique et
déboussolé, dépourvu de leadership et dont l'avenir est
indéchiffrable. Entre fatalisme - il n’y a rien à faire, on verra
bien - et tentatives aussi vaines que désespérées d'arrêter cette course folle, s'accrochant à la sonnette d’alarme, appelant au secours sur son téléphone portable, chacun choisit selon son tempérament ou son expérience.
On a évoqué joliment le choix du colibri "c'est minime sans doute, mais
je au moins je participe." A défaut d'être utile, ce n'est pas
déraisonnable.
Elie Barnavi. Confessions d'un bon à rien: Mémoires. Grasset. 2022. 512 pages
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