11 décembre 2022

Le train fou


"Qui est en charge du train qui fonce  ?
Les couplages s’étirent, les essieux grincent.
L’allure est folle et tout proche l’aiguillage.
Et le conducteur dort du sommeil du sage.
Les signaux clignotent dans la nuit en vain…
Mais qui est en charge de ce pauvre train  ?." 
                        Edwin James Milliken



Le texte est beau, écrit au départ d'un incident assez banal. Le 12 juillet 1890, une motrice légère, sans wagons,  entre en collision avec l'arrière d'un train de marchandises. Le seul décès est dû à une longueur de bois qui a pénétré dans le train passant sur une autre voie. Le conducteur avait raté les signaux d'arrêt par fatigue. L'histoire veut que Winston Churchill en fit une lecture éloquente au Parlement pour mettre en garde ses compatriotes contre la menace allemande, ajoutant de l'effet dans sa description du convoi qui fonce dans la nuit, la plupart des voyageurs somnolant, inconscients du danger. L'historien Elie Barnavi la reprend à son compte, contemplant le spectacle d’un monde anomique et déboussolé, dépourvu de leadership et dont l'avenir est indéchiffrable. Entre fatalisme - il n’y a rien à faire, on verra bien - et tentatives aussi vaines que désespérées d'arrêter cette course folle, s'accrochant à la sonnette d’alarme, appelant au secours sur son téléphone portable, chacun choisit selon son tempérament ou son expérience. On a évoqué joliment le choix du colibri "c'est minime sans doute, mais je au moins je participe." A défaut d'être utile, ce n'est pas déraisonnable.



Lu dans:
Winston Churchill. The Gathering Storm.  réf. à un article de Edwin James Milliken dans Punch (1890)  à la suite d'un accident de train imputé à un matelot endormi
Elie Barnavi. Confessions d'un bon à rien: Mémoires. Grasset. 2022. 512 pages

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