27 mai 2015

Saudade

"Savez-vous ce que nous avons fait pendant les huit jours où nous nous sommes trouvés ensemble? Il a parlé, et je l'ai écouté. Il m'a raconté son métier et la navigation à voiles, qui est pleine de mots superbes et de surprises fulgurantes. Il a commencé à m'apprendre la mer et le vent. Je ne connaissais que la mer des plages, celle qui donne toujours un peu l'impression d'entrer dans des draps sales.
De son voilier, j'ai découvert la mer profonde et son étreinte, la joie de s'y couler en allongeant loin les bras, loin les jambes, le gros dos dur qu'elle fait pour rejeter ceux qui la chevauchent mal, les gifles d'eau qu'elle vous assène. Je n'avais pas peur parce qu'il savait la mer et qu'il me l'expliquait."
            Françoise Giroud


Croisé hier une jeune maman qui courait, radieuse, pour le bus. Vue il y a deux mois à la consultation, elle n'était que plainte, lenteur et nostalgie d'un manque habité: pas d'emploi, pas d'amoureux, deux marmots hyperkinétiques qui la consumaient. Elle a perdu du poids en gagnant un travail honorable, les enfants ne la reconnaissent plus et s'en portent mieux. Sans doute aussi - mais je l'ignore encore - a-t-elle rencontré l'une ou l'autre personne qui lui ont appris la mer et le vent. 


Lu dans:
Françoise Giroud. Histoire d'une femme libre. Gallimard. 2013. Coll. Folio 5887. 265 pages. Extrait  page 125

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