30 janvier 2011

Rêver, réussir

"Rêver avec la certitude tranquille que donne une première réussite."
J de Romilly
Lu dans :
Jacqueline de Romilly. Ouverture à coeur. Editions de Fallois. 1990. 291 pages. Extrait p.145

28 janvier 2011

La vie qu'on souhaite

" Il but, les yeux fermés. C’était doux comme une fête. Cette eau était bien autre chose qu’un aliment. Elle était née de la marche sous les étoiles, du chant de la poulie, de l’effort de mes bras. Elle était bonne pour le cœur, comme un cadeau."
Le Petit Prince. Antoine de Saint-Exupéry
La narratrice de ce superbe roman recueille chez elle une petite-fille adoptive. Un premier soir touche à sa fin, et soudain... "J'ai entendu gratter à ma porte; et la petite fille est apparue, en chemise de nuit, à l'entrée de ma chambre. Elle était pieds nus et effarouchée. Elle tenait une grande bouteille d'eau minérale et m'a fait un signe pathétique, pour me montrer qu'elle n'avait pas pu l'ouvrir. Elle avait l'air consterné. Peut-être avait-elle très soif, (..) c'est possible. Mais je crois plutôt qu'elle avait le secret besoin d'une présence humaine. Il est dur, à tout âge, de s'éveiller en pleine nuit dans une chambre inconnue, loin de toutes ses habitudes. Dans ce cas, elle n'avait pas voulu l'avouer : elle avait fait passer, comme nous le faisons tous, sa craintive soif d'amour sous le couvert d'une soif banale ... Peut-être aussi était-ce comme un test: dans cette maison nouvelle, avec cette dame nouvelle à qui [elle] avait [été] confiée, elle voulait savoir, tout de suite, sans attendre le matin, si elle était en pays ami ou pas. Elle avait peur, comme un jeune animal qui tremble; mais c'était moi qui passais l'examen!

La bouteille était une bouteille en matière plastique, de l'ancien modèle, fermée par une de ces fines capsules de métal, dont les oreilles se déchirent assez fréquemment : elles étaient déchirées; et toute prise avait disparu. Il a fallu faire sauter la capsule avec un couteau. Nous l'avons fait; et nous avons bu, dans ma chambre, chacune notre verre d'eau. La fillette semblait toute contente. Et moi, j'étais contente qu'elle fût venue vers moi. Et puis il était beau de partager cette eau toute simple. L'eau était le plus modeste des biens que l'on pût partager: je savais cependant (si l'enfant l'ignorait) que c'est aussi, dans la fièvre ou la souffrance, dans les longues marches, dans l'abandon sur des sommets, dans les déserts, ou dans toutes les solitudes, le bien le plus précieux. L'enfant a manifesté, avec réserve, que l'eau était bonne: j'ai approuvé, sur le même ton. Assise au pied de mon lit, elle me regardait avec des yeux attentifs et soyeux - un peu inquiets, entraînés par l'espérance et retenus par la méfiance: autour de ce verre d'eau (le rite en avait ainsi décidé) se nouaient ouvertement nos rapports futurs."

Il y a peu, interrogée par Le Figaro, Jacqueline Jacqueline de Romilly disait d'elle-même ne pas avoir eu, la vie qu'elle souhaitait : « Avoir été juive sous l'Occupation, finir seule, presque aveugle, sans enfants et sans famille, est-ce vraiment sensationnel ? Mais ma vie de professeur a été, d'un bout à l'autre, celle que je souhaitais. » On comprend mieux la précision des sentiments du récit de cette première soirée commune: le vécu personnel pour le contenu, la talent du professeur de lettres pour la forme.


Lu dans :
Antoine de Saint-Exupéry. Le Petit Prince. http://wikilivres.info/wiki/Le_Petit_Prince. Chapitre XXV
Jacqueline de Romilly. Ouverture à coeur. Editions de Fallois. 1990. 291 pages. Extrait p.289-291

27 janvier 2011

Sagesse de l'insignifiance

"Ce sont les tâches insignifiantes qui perdurent: lessive, cuisine, rangement, ménage. Jamais rien de noble et d'important, mais les minuscules rituels qui permettent à une vie humaine de ne pas s'effilocher."
Maggie O'Farrell.

Lu dans.
Maggie O'Farrell. L'étrange disparition d'Esme Lennox. 2006. Belfond. 10/18 Domaine étranger. 4282. 230 pages . Extrait p. 12.

Pessimisme heureux

« Là où grandit le péril, là aussi grandit ce qui sauve."
Hölderlin
Cité par Edgar Morin ce soir sur France 3, lors d'un débat avec Nicolas Hulot (Ce soir ou jamais). Optimisme sceptique ou pessimisme heureux? Me revient en filigrane le récit de cette petite fille qui sauve son frère au terme d'un improbable parcours d'obstacles qu'elle surmonte "parce qu'il ne s'est trouvé personne pour lui dire que ce serait impossible."

26 janvier 2011

Un verre pour ..

"Pourquoi ce verre vide sur la table de nuit? C'est pour quand on n'a pas soif."
Humour d'outre-Quiévrain
Perdue dans la longue traîne du film "Rien à déclarer", cette petite saillie m'a fait sourire. Et vous?

23 janvier 2011

Un moment musical

« Sans musique la vie serait une erreur »
Frédéric Nietzsche

... semble nous souffler notre filleule, Bénédicte Mayeur, au terme d’un parcours de formation aussi méritant que varié, en nous invitant à un récital de violon qu’elle donnera avec le pianiste et compositeur anglais Andrew Wise ce dimanche 30 janvier 2011 à 17h00 à la Muziekakademie, 5 place de la Vaillance à 1070 Bruxelles. La symbolique de cette prestation au seuil de sa jeune carrière à Anderlecht, dans la commune où elle a grandi, n’échappera à personne. Votre présence lui sera un précieux encouragement pour la route difficile qu’elle a choisie avec enthousiasme. Vous ne le regretterez pas car le concert promet d’être de qualité.

Lu dans :
Frédéric Nietzsche. Crépuscule des idoles, Maximes et pointes, § 33.

La petite musique de Francis Dannemark

"La vie est comme un solo de violon qu'on devrait interpréter en public, tout en apprenant à jouer de l'instrument au fur et à mesure de l'exécution."
Samuel Butler
... Butler que l'on découvre en parcourant le dernier opus de Francis Dannemark , dont l'éternelle petite musique n'a pas fini de nous séduire. Kant écrit une oeuvre au pied de son arbre, Francis Dannemark semble écrire ses romans en état de mobilité permanente (Choses qu'on dit la nuit entre deux villes, La longue promenade avec un cheval mort, La longue course...). Un train pour Lisbonne permet une rencontre, et deux vies se déclinent au fil des arrêts de gare, des cafés partagés et des songes éveillés quand la nuit s'installe. Le tendre et l'amer alternent dans ce carnet de confidences, qui ne raconte somme toute que nos vies à tous. On se souvient du dernier roman d'Eric Pessan (Incident de Personne, Albin Michel), composé quasi simultanément et se déroulant lui aussi entièrement dans un wagon entre deux destinations, comme si la poésie des longues distances parcourues en train s'insinuait progressivement comme une nécessité dans nos existences vécues à fil tendu.

Lu dans:
Francis Dannemark. Du train où vont les choses à la fin d'un long hiver. Robert Laffont. 2011. 92 pages. Extrait p.44.

18 janvier 2011

Comme un chant par la fenêtre

"Six heures du matin
Par la fenêtre bondit
Un chant multiple
Une grappe de fruits."
V. Wautier
Demain est un autre jour. Pouvoir déposer sa fatigue et ses découragements dans le panier à linge, confiants de retrouver demain dès l'aube de nouvelles raisons de vivre bien pliées sur le meuble, n'est pas donné à tous, ni durant toute l'existence. J'aimerais être déjà demain, un de ces jours-là.

Lu dans :
Véronique Wautier. Godelieve Vandamme. Le jour aux ignorants. Eranthis. 2010. 64 pages. Extrait page 45.

16 janvier 2011

Un berger patient

"La mort patiente
(..) nous compte
comme le berger ses moutons.
Je ne fais rien pour l'agacer."
Lu dans :
Alexandre Romanes. Paroles perdues. NRF. Gallimard. 2004. 98 pages. Extrait page 14

La cale qui tient la meule

"Notre capacité de modifier notre futur historique est sans aucun doute considérable, mais imprévisible dans la direction et l'étendue de ses effets. Nous ne pouvons embrasser la totalité des données de la situation dans laquelle notre action va s'insérer. Nous sommes aveugles devant un avenir dont nous savons qu'il ne peut être à l'image de nos désirs et de nos rêves, et que pourtant il dépend de nous, que nous le voulions ou non. "
Thierry Maulnier
Quand une patrouille de police de Sidi Bouzid empêche un informaticien au chômage de vendre ses fruits et légumes le 17 décembre, qui imagine que cet incident débouchera moins d'un mois plus tard sur le renversement d'un pouvoir en apparence inamovible. L'équilibre du monde repose sur de minuscules cales que le moindre de nos actes peut balayer.

Lu dans :
Thierry Maulnier.Les matins que tu ne verras pas. NRF. Gallimard. 1989. 212 pages. Extrait p.94

12 janvier 2011

Le tyran au coeur sensible

"Le tyran au coeur sensible. Ce n'est pas quand ses peuples souffrent qu'il est troublé dans son sommeil, c'est quand ils hurlent."
T. Maulnier.
"Tandis que les affrontement ont gagné la capitale Tunis mercredi, le régime tunisien a cherché à trouver une sortie de crise aux émeutes sociales que connaît le pays depuis quatre semaines. Il a ainsi annoncé le limogeage du ministre de l'intérieur ainsi que la libération de toutes les personnes détenues depuis le début du mouvement. Il a également annoncé, au cours d'une conférence de presse, la formation d'une commission d'enquête sur des actes de corruption."
Lu dans :
Thierry Maulnier. Les matins que tu ne verras pas. NRF. Gallimard. 1989. 212 pages. Extrait p.109
Vincent Geisser. Tunisie : les gages de Ben Ali, symbole d'un "régime aux abois" Le Monde du 12 janvier 2011

Alors on danse - Stromae

"Qui dit étude dit travail,
Qui dit taf te dit les thunes,
Qui dit argent dit dépenses,
Qui dit crédit dit créance
Alors on danse..."

Le Bruxellois Stromae, dont la chanson "Alors on danse" a été en tête des charts dans de nombreux pays européens, a été consacré révélation de l'année par le secteur flamand de la musique lors de la quatrième édition des Music Industry Awards (MIA), qui récompense en Flandre les meilleurs artistes. Il concourait également vendredi soir sur la chaîne française TF1 pour le titre de chanson de l'année 2010, mais ne l'a pas remporté. Découvrez comment ce tube a été créé et vous ne l'oublierez plus.

09 janvier 2011

La recette du thé dans le désert

"Pour faire le thé il faut 3 choses :des amis ,des braises et le temps."
Sagesse touareg
Des amis me font découvrir cette recette séculaire. Je l'ai testée et elle donne une boisson délicieuse.

06 janvier 2011

La mémoire de l'Histoire

"Mais malgré l'impact de leurs exécutions nocturnes et malgré l'intensité de leur propagande, les nazis n'obtiennent pas la majorité absolue aux élections de mars 1933. Le NSDAP recueille 44 % des suffrages. Il n'est pas vrai, autrement dit, que la démocratie ait porté Hitler au pouvoir. Un autre événement a eu lieu, plus énigmatique que l'adhésion pleine et entière mise en avant par notre mémoire imprécise: les chefs des partis d'opposition ont abandonné le combat, tous ensemble et d'un seul coup. Le 5 mars, les nazis étaient minoritaires, le 6, ils triomphaient."
S. Haffner.

Lu dans :
Sébastien Haffner , Histoire d'un Allemand, Babel, Actes Sud 2002, 425 pages.
Alain Finkelkraut. Un coeur intelligent. Lectures. Stock Flammarion 2009. Folio 5156. 257 pages. Extraits pp 81-82

03 janvier 2011

Derrière l'icône

"On est quelquefois aussi différent de soi-même que des autres."
La Rochefoucauld.
La phrase m'est revenue, et m'a fait sourire, en découvrant ce matin que Charlie Chaplin lui-même a perdu un jour un concours de sosies de Charlot. Je souris moins en découvrant dans le même journal la faille révélée chez un candidat au Nobel de la Paix qui se révèle soudain être un humain comme nous avec son "fatras de petits secrets" peu ragoûtants. Quand est-on soi-même? A quel âge, en quelle saison, en quel costume? Dans la vraie vie, les guignols de l'info devraient posséder dix marionnettes différentes pour chacun de leurs personnages selon les âges de la vie, les lieux et les circonstances : j'ai connu des héros lumineux de vingt ans morts dans le marasme, et le contraire. Des médecins emblématiques véritables tyrans domestiques et des pères de famille modèles butinant toutes les rondeurs à portée de main sur le plateau de travail. Lors de la mise en terre de l'un d'eux, la question me taraudait: qui était vraiment celui qu'on pleure aujourd'hui, l'ami rayonnant qui nous impressionnait par son intelligence ou l'ombre qu'il dissimulait soigneusement et se révéla en fin de vie. Ayant eu la chance d'avoir connu les deux, j'apprécie ce jour plus que jamais l'icône et son ombre réunies sur le même sentier.

01 janvier 2011

Moins que rien

"Premier jour de l’an
Une minute de soleil
En plus."
Comme l'aurait dit Raymond Devos, c'est moins que rien, mais moins que rien c'est déjà quelque chose...

Lu dans:
Haïku de Damien Gabriels

Meilleurs voeux

"Dans le creux de l'hiver
Nous verserons de la lumière
Dans les mains des mendiants
Nous poserons nos poings
Dans les mots nous mettrons
Des cailloux des journées des brindilles
Toutes choses dues."
V. Wautier
"Nouvelle année, un autre calendrier au même clou?" Le haïku m'a fait sourire. Surgit en même temps comme une envie de résister à la brume dense qui cette nuit saluait le lever de l'an neuf, à ces rétrospectives d'année mijotées dans la potion amère, à cette morosité institutionnalisée. Les quelques mots de Véronique Wautier sont une bonne entrée en matière: c'est tout le bien qu'on peut se souhaiter pour 2011.

Lu dans :
Véronique Wautier. Godelieve Vandamme. Le jour aux ignorants. Eranthis. 2010. 64 pages. Extrait page 41.
Haïku de Damien Gabriels