04 septembre 2009

La rose et les bonobos

"La rose est sans pourquoi: elle fleurit parce qu'elle fleurit
N'a souci d'elle même, ne cherche pas si on la voit."
Angelus Silesius
Le célèbre vers du mystique allemand a inspiré Heidegger, ce qui incite à la prudence au regard de l'attitude quelque peu veule de ce dernier à l'égard des théories nazies. L'être humain s'épanouit-il en s'oubliant lui-même, dans un abandon confiant au temps, ou au contraire dans une courageuse confontation permanente au monde  qui le forme, l'informe et sur lequel il a l'audace de croire qu'il peut influer? N'est-il vraiment lui-même que s'il est à sa manière comme la rose - sans pourquoi ni souci de laisser trace - ou dans un combat éperdu contre un destin parfois absurde et des forces de destruction toujours présentes? L'époque actuelle a quelque peu perdu l'acuité des débats qui nous passionnaient naguère, ou les défis auraient-ils changé de nature ?  La simple vision des actualités nous rappelle pourtant chaque jour que ces questions demeurent d'actualité. Gunzig opposait avec humour dans une récente carte blanche le désir de rejoindre les bonobos dans les arbres ou d'affronter quotidiennement "un monde aussi réel qu’une prison chinoise, qu’un tibia cassé sur un terrain de foot, qu’un potentat libyen qui fête ses quarante ans de règne sans emmerdements notables, qu’un double millénaire de guerres immondes, qu’une multitude de petites arnaques pouilleuses dans un pays minuscule, que l’hypocrisie de l’économie libérale et le cauchemar de l’économie planifiée." Le prix est élevé pour être un humain responsable. 

Lu dans :
  • Angelus Silesius, Le Pèlerin chérubinique, éd. Arfuyen, trad. R Munier, 1988, p. 28-29.
« Die Ros' ist ohn' Warum, sie blühet, weil sie blühet,
Sie ach't nicht ihrer selbst, fragt nicht, ob man sie sieht. » (1,289.)

  • Bonobo. Thomas Gunzig . Le Soir. mercredi 2 septembre 2009.
  • Sylvie Germain. Etty Hillesum. Chemins d'éternité. Pygmalion. 1999. 212 p. extrait page 71-72 

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