02 septembre 2009

Bonjour l'école

Ainsi, cher Stefano, je t'offrirai des fusils. Et je t'apprendrai à jouer à des guerres très compliquées, où la vérité ne se trouve jamais d'un seul côté, où l'on doit
signer, à l'occasion, des armistices. Tu te défouleras, dans tes jeunes années; tes idées s'embrouilleront un peu, mais des convictions naîtront lentement en toi. Puis, une fois adulte, tu croiras que tout cela n'aura été qu'un conte: le chaperon rouge, Cendrillon, les fusils, les canons, l'homme contre l'homme, la sorcière contre les sept nains, les armées contre les armées. Mais si d'aventure, quand tu seras grand, il y a encore les monstrueuses figures de tes rêves d'enfant, les sorcières, les kobolds, les armées, les bombes, les mobilisations générales, peut-être que tu auras acquis une conscience critique à l'égard des fables, et que tu apprendras à te mouvoir de façon critique dans le monde réel. "
Umberto Eco

Une pensée accompagne l'ainé de nos petits-enfants qui entre à l'école ce matin. Quelques larmes inévitables pour un enfant sensible dont on devine les craintes devant tant de nouveauté. Soixante années de mise au pas et de respect des consignes s'ouvrent, de certifs à produire les jours de fièvre ou d'entérite, de coude-à-coude précautionneux. A moins que dès l'école gardienne se produise ce miracle: qu'il croise sur son chemin des passeurs de sens, qui sachent ouvrir la cage aux oiseaux et lui apprennent à voler.  C'est pas gagné d'avance.
 
Lu dans 
Umberto Eco. Pastiches et postiches Bibliothèque 10/18. 1992. 183 p. Extrait page 176.  
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